Isolde Devalière : « La majorité des personnes souffrant de précarité énergétique est locataire »

Trois questions à Isolde Devalière, chef de projet précarité énergétique à l’Agence nationale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Dans son rapport publié le 22 novembre 2016, l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) estime à près de six millions le nombre de ménages en situation de précarité énergétique en France, sur la base de plusieurs indicateurs et de l’Enquête nationale logement de 2013.

Selon les travaux de l’ONPE, quel est le visage de la précarité énergétique aujourd’hui ?

Nous avons identifié de façon significative qu’une partie des jeunes de moins de 30 ans sont sur-représentés et désormais touchés par ce phénomène. Ils rejoignent les personnes âgées et les familles modestes, notamment monoparentales, qui étaient déjà identifiés auparavant et qui restent une population à risque. Une majorité très large d’entre eux est locataire. Dans leur dernier rapport pour l’ONPE, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l’ADEME ont également mis en évidence le fait que les logements concernés sont plutôt dans des zones peu urbanisés, construits avant 1975. Ils ont des problèmes d’humidité important liés à l’insuffisance du chauffage et de la ventilation.

A quoi sert l’ONPE ?

L’Observatoire produit des données qui documentent ce phénomène, et qui sont ensuite mises à disposition sur internet ou dans des publications. Il est un outil d’aide à la prise de décision. Pour être efficaces, les politiques publiques doivent cibler le bon public. Les locataires par exemple, qui sont sur-représentés parmi les ménages en situation de précarité énergétique, ne semblent pas suffisamment pris en compte dans les dispositifs actuels de lutte contre la précarité, comme le programme Habiter Mieux de l’Agence nationale de l’Habitat (Anah) qui concerne en priorité les propriétaires occupants. Ces connaissances sont particulièrement utiles à nos partenaires que sont l’Anah justement, l’Union sociale de l’habitat, le médiateur national de l’énergie, les deux fournisseurs d’énergie historiques… Elles répondent à leurs besoins et à leurs attentes.

Quels sont les objectifs de l’ONPE à partir de 2017 ?

Notre observatoire, qui dispose d’un budget de 900 000 euros sur trois ans, va financer des études qui compléteront celles réalisées au cours de la première période de travaux (2012-2015). Il s’agit de continuer à suivre le phénomène à partir des indicateurs en cours de validation scientifique par l’Insee, et le service de l’Observation et des Statistiques (SOeS) du ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la Mer. Nous allons donc poursuivre ce travail de chiffres-clés, de tableau de bord.

De manière générale, nous souhaitons mesurer l’efficacité de dispositifs qui s’inscrivent dans la loi de transition énergétique, étudier la mobilité des plus précaires, et la santé et la qualité de l’air intérieur dans le logement. La ministre Emmanuelle Cosse a également proposé à l’ONPE une mission sur les indicateurs précis du logement indécent. Enfin, au cours de consultations avec nos partenaires, nous avons identifié différents champs à investiguer. Par exemple, nous allons explorer les copropriétés dégradées (qui sont une nouvelle priorité de l’Anah), les locataires du logement social, la situation des ménages dans les Départements d’Outre-mer…

Publication

Cet article est extrait du CLER Infos N°113

Confrontés à l’humidité des murs, au froid, ou aux moisissures, aujourd’hui près de 12 millions de Français vivent dans un logement « passoire », qu’ils peinent ou renoncent à chauffer correctement faute de moyens. Les aider à améliorer leur habitat, à l’isoler et le rendre plus économe, est la première étape d’un vaste chantier : celui de la rénovation du bâti en France. Comment remédier à la précarité énergétique ? Qui sont les acteurs mobilisés pour lutter contre ce mal grandissant ? Quels sont leurs outils ? Un dossier à retrouver dans le CLER Infos n°113.

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