Fin du diesel et de l’essence : passons à la mobilité du 21e siècle

Le ministre de la transition écologique a présenté le 6 juillet son « plan climat ». L'une des mesures annoncées concerne la fin de la vente des véhicules à essence et diesel d'ici 2040. Nécessaire pour sortir des énergies fossiles conformément aux engagements de l’Accord de Paris, cette mesure s'inscrit dans une évolution globale de nos besoins en termes de mobilité : elle doit s'associer à des efforts pour diminuer le nombre de voitures en circulation grâce à des modes de transport alternatifs et s'appuyer sur une généralisation des énergies renouvelables. Un projet dans lequel le véhicule électrique a un rôle partiel à jouer.

En France, la consommation d’énergie des transports représente le tiers de la consommation énergétique finale française. 81 % de cette consommation provient des transports routiers (voitures individuelles et transport de marchandise, selon le SOeS). Dans ce secteur, les carburants alternatifs sont négligeables, puisque les produits pétroliers constituent la quasi-totalité de la consommation. Agir sur le thème de la mobilité est donc essentiel pour réduire notre impact sur le climat, diminuer les risques importants pour la santé liés à la pollution atmosphérique et changer de modèle énergétique.

Une multitude de solutions existent et peuvent d’ores et déjà, toutes ensemble, dessiner le nouveau paysage de la mobilité en France. Développer les modes de transport collectifs et partagés (comme des transports en commun et à la demande, des taxis collectifs, des plans de déplacement de l’entreprise) et les modes actifs (vélo, marche), permettra non seulement de respecter nos objectifs de transition énergétique mais aussi de lutter contre l’exclusion et l’isolement des personnes fragiles dans les zones à faible densité de population.

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Un lent processus

Stopper la vente de véhicules à diesel et essence ne fera pas disparaître en un clin d’œil tous les véhicules polluants : une voiture restant en circulation une trentaine d’années en moyenne, le renouvellement du parc automobile français est un processus de longue haleine. Mais Nicolas Hulot donne un signal nécessaire, qui est une évidence partagée même pour les constructeurs de véhicules : confrontés à l’épuisement des ressources fossiles, notre avenir n’appartient pas aux carburants sales.

En France, la Loi de transition énergétique adoptée en 2015 prévoit déjà « une proportion croissante de véhicules ‘à faibles émissions’ dans les flottes publiques et donne pour objectif national l’installation de sept millions de points de charge d’ici 2030 ». Dans les territoires, les voitures électriques font peu à peu leur entrée : des collectivités de plus en plus nombreuses s’équipent en voitures et scooter électriques et installent des bornes de recharge publiques. Elles proposent également des vélos, à assistance électrique à la location, voire des véhicules en auto-partage. Pour être efficace, ce déploiement doit d’abord répondre aux besoins réels des habitants d’un bassin de vie, et aller de pair avec le développement des énergies renouvelables sur ce territoire. Mais il doit également s’accompagner d’une réflexion globale sur notre mobilité.

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Nos retours d’expériences locaux « mobilité »

Se déplacer moins, mieux, autrement

La voiture la plus « propre » est celle qui n’est pas produite. Plusieurs solutions existent et sont déjà mises en œuvre pour nous inciter à utiliser moins la voiture. En développant et en soutenant des transports en commun de qualité, le déplacement « partagé » deviendra compétitif et rendra des services de qualité aux habitants. Se déplacer moins, c’est par exemple télé-travailler plus. Se déplacer mieux, c’est partager sa voiture avec des amis ou des collègues. Se déplacer autrement, c’est utiliser son vélo… Mais les particuliers ne sont pas les seuls concernés : le transport de marchandise qui est de loin le plus énergivore doit également être revu afin de réaliser le « report modal », de la route aux rails ou aux fleuves.

L’électromobilité apparaît pour certains comme l’unique alternative. Pourtant, les « véhicules propres » n’existent pas.

La voiture électrique en ville

En finir avec les moteurs à diesel et essence ne signifie pas que nous aurons à l’avenir une ou deux voitures électriques par famille à charger chaque soir dans notre garage. L’électromobilité apparaît pour certains observateurs comme l’unique alternative. A tort : il n’y a pas de « véhicule propre ». La voiture électrique utilise des ressources naturelles – comme le lithium – qui ne sont pas infiniment disponibles dans notre sous-sol. Remplacer massivement les voitures thermiques actuelles par des véhicules électriques entraînerait une importante consommation d’énergie et de ressources, aggravée par la multiplication des batteries ou l’augmentation de leur autonomie. Sans compter la pollution liée à la production et au fonctionnement de ces véhicules.

La voiture électrique a un rôle à jouer essentiellement en ville et dans les aires urbaines, à condition de ne pas rester stationné 95 % du temps : une flotte partagée de voitures électriques en ville rend de multiples services aux habitants. Pour les longs trajets, il faut changer de perception et passer d’une offre automobile à une « offre de déplacements » à l’aide de multiples solutions utilisées ponctuellement (train + location, par exemple). Des technologies éprouvées s’appuyant sur des énergies renouvelables, comme le biogaz ou l’hydrogène, représentent des solutions de transition qui sont d’ores et déjà disponibles pour faire fonctionner des moteurs thermiques et doivent être massifiées.

Ce qu’il reste à faire

D’ici 2040, les constructeurs ont largement le temps de se mettre à la page afin de produire les voitures « propres » et devenir des opérateurs de mobilité (qui vendent des déplacements plutôt que des véhicules) : l’entreprise Volvo vient d’annoncer qu’elle ne produirait que des voitures électriques ou hybrides d’ici 2019, Audi a lancé un modèle fonctionnant au gaz naturel en 2013. La Norvège veut interdire la vente des véhicules thermiques en 2025, l’Inde en 2030. La France n’est pas seule à choisir cette direction, c’est le sens de l’histoire !

Pour aller plus loin, elle doit être volontariste au niveau européen en demandant des normes ambitieuses et contraignantes à l’horizon 2025 et 2030 pour limiter les émissions de gaz à effets de serre et améliorer l’efficacité énergétique de tous les véhicules thermiques (voitures et camions) et des chaînes logistiques. Le Projet de loi de finances 2018 devra également prévoir la création du premier fonds dédié aux mobilités actives et des financements pour les transports en commun et les mobilités soutenables en milieu peu dense grâce à la hausse promise de la fiscalité du diesel et de la composante carbone. Les investissements annoncés doivent enfin prévoir la modernisation et le renforcement de l’offre ferroviaire existante en renonçant aux « grands projets » mal dimensionnés et qui ne répondent pas aux besoins des Français et de la planète.