L’Europe, laboratoire des transitions solidaires
En Europe, plusieurs initiatives sont déjà à l’œuvre pour mener, avec les plus modestes, une transition équitable. Tour d'horizon des solutions.
Précarité énergétique : un projet de coopération européenne
« Si elle n’a pas partout une définition réglementaire, la précarité énergétique est bien présente dans tous les pays d’Europe » souligne Hugo Weisbecker, responsable de la branche coopération européenne et innovation d’Enercoop, les coopératives d’énergie renouvelable citoyenne et solidaire. Depuis 2021, avec son partenaire Énergie Solidaire et une dizaine d’acteurs coopératifs de l’énergie et universitaire, parmi lesquels les anglais de Repowering, les écossais d’ALIenergy, les portugais de Coopérnico, les coopératives croates de ZEZ ou encore les français des 7 vents, Enercoop participe au programme européen CEES, pour «Community Energy for Energy solidarity ». « L’idée est que nous examinions ensemble les solutions mises en œuvre, par les uns et les autres, pour nous doter d’une boîte à outils de la lutte contre la précarité énergétique qui devrait prendre, d’ici mai 2024, la forme d’un guide » explique Hugo Weisbecker. Par exemple, des micro-dons collectés par Energie Solidaire auprès des consommateurs d’électricité financent des associations qui accompagnent les ménages en précarité énergétique dans leur projet de réalisation de rénovation globale et performante de leurs passoires thermiques. Grâce au projet, en Croatie des donations recueillies par les coopératives servent à distribuer des kits favorisant les économies d’énergie pour des publics précaires (joints d’isolation pour portes et fenêtres, ampoules basse consommation…). Côté Enercoop, une expérimentation est en cours pour identifier les ménages en situation de précarité énergétique et les accompagner pour les aider à bénéficier des dispositifs d’aide existants. « Au-delà des actions mises en œuvre, nous analysons aussi les contextes réglementaires et la fiscalité afin de faire des recommandations à la Commission européenne pour lever les barrières et encourager les meilleures pratiques » conclut Hugo Weisbecker.
À Athènes, le solaire solidaire
Fournir aux plus pauvres une énergie gratuite. Voici le pari d’Hyperion, une communauté énergétique solaire, née en 2019 à Athènes.
« Les membres de notre communauté énergétique, ne se contentent pas d’investir dans un parc solaire de 500 kWc pour déduire l’électricité produite de leur consommation. Ils acceptent aussi de contribuer au paiement de la facture énergétique d’une dizaine de foyers en grande difficulté que nous sommes en train d’identifier avec la branche grecque d’ActionAid » explique Chris Vrettos, co-fondateur d’Hyperion. Ces ménages dont la facture énergétique sera totalement prise en charge par la coopérative, bénéficieront aussi d’un accompagnement pour parvenir à maitriser leur consommation. Chris Vrettos compte bien embarquer d’autres communautés énergétiques dans l’aventure et prévoit déjà d’aider des ménages bien au-delà d’Athènes. « En tant que membre du réseau européen REScoop et du programme SCCALE 203050, nous souhaitons démontrer que notre solution est largement reproductible ! » s’enthousiasme t-il.
Au Luxembourg, des transports gratuits
En 2013, Tallinn, la capitale de l’Estonie, fut la première à offrir l’expérience de transports en commun gratuits. Une initiative imitée par plus d’une cinquantaine de villes et agglomérations européenne, à l’instar de Dunkerque, pionnière française en 2018. En mars 2020, le Grand-Duché du Luxembourg devenait le premier État européen à proposer la gratuité totale des transports publics.
« Avant le 29 février 2020, les transports publics étaient subventionnés à 90-94% et gratuits pour certains groupes d’usagers. Aller plus loin et supprimer complètement le ticket était conforme à la stratégie nationale de mobilité du Luxembourg qui encourage l’utilisation des transports publics. L’objectif était double : permettre à de nouveaux usagers de découvrir spontanément les transports en commun, et, satisfaits de leur qualité, se mettre à les utiliser progressivement. L’autre intention était de fournir une aide financière aux personnes à faible revenu » explique François Bausch, vice-premier ministre et ministre de la Mobilité et des Travaux publics. Non seulement le nombre de passagers, en particulier de tramway, a augmenté significativement en 3 ans, mais cette mesure a aussi permis de protéger la mobilité des plus précaires . « La gratuité des transports publics a été un avantage pour le grand public face à la crise énergétique et à l’inflation » note le ministre. Il relève toutefois qu’ « une structure tarifaire attractive ne suffit pas. La clé pour rendre les transports collectifs fondamentalement plus attractifs est d’investir dans une offre multimodale de qualité qui ne se concentre pas sur des projets autonomes spectaculaires, mais réponde aux besoins de mobilité quotidienne de la population ».