Énergies renouvelables : passons à la vitesse supérieure
En matière d’énergies renouvelables, notre pays n’est à la hauteur ni de ses engagements européens ni de ses objectifs nationaux. Alors que loi Énergie Climat réaffirme l’urgence climatique, les EnR peinent à se déployer sur notre territoire. Les acteurs sont unanimes : il faut accélérer !
« Construire une vision à long terme, partagée avec les citoyens »
La parole à Zélie Victor, Responsable transition énergétique au Réseau Action Climat
« La France est le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir respecté ses engagements en matière de développement des énergies renouvelables. Elle s’était fixé en 2020 une part de 23% dans sa consommation d’énergie finale : elle n’est parvenue qu’à 19,1%. Nous sommes loin de la trajectoire de notre propre feuille de route officielle, la PPE qui prévoit de produire 40% d’électricité d’origine renouvelable d’ici 2030.
Aujourd’hui, nous manquons d’un message politique clair. Les annonces sur la relance du nucléaire empêchent de fixer un cap précis. Les polémiques sur l’éolien distordent le débat. Pourtant, un sondage réalisé par l’ADEME et le ministère de la Transition écologique indique que près des ¾ des Français sont favorables aux éoliennes… Lorsqu’il dresse le bilan du quinquennat, le Réseau Action Climat relève un écart important entre les annonces et les résultats, les mesures et leur efficacité. L’adoption d’une stratégie nationale bas carbone ou de la loi Climat et résilience ne compense pas le manque de volonté pour mener des projets avec les acteurs locaux ou simplement former les élus. Le Plan France Relance n’affiche aucune ambition forte, comptant sur l’hydrogène pour décarboner l’industrie.
Dans son discours du 10 février 2022 à Belfort, le président de la République a évacué la question de la sobriété, la renvoyant à des futures innovations techniques. La sobriété est pourtant un pilier essentiel pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone comme le rappellent les scénarios prospectifs de l’ADEME ou de RTE. La France ne tient pas non plus ses objectifs en matière de baisse de consommation finale d’énergie et a reporté à 2023 ses engagements pour 2018. Notre pays souffre d’un manque d’anticipation. Une vision partagée avec les citoyens et un débat serein sur l’ensemble du mix énergétique sont indispensables, car ces questions vont influer sur nos vies dès la prochaine décennie ».
« Les projets d’énergies renouvelables qui associent collectivités et citoyens remportent plus d’adhésion »
La parole à Delphine Bertsch, Directrice générale déléguée de la SEM SIPENR
« Si on ne peut que constater le retard pris en France, il faut aussi reconnaître que les collectivités et les citoyens se saisissent de plus en plus de la production d’électricité et de chaleur, et plus globalement de la transition énergétique. Passer d’un système centralisé à un système décentralisé prend du temps. Il est nécessaire que l’État aille beaucoup plus loin dans les ambitions de simplification, de volume, d’harmonisation sur le territoire et d’appui aux initiatives locales.
Considérant l’ampleur des transformations à conduire dans le pays, la transition énergétique ne pourra aboutir qu’en associant l’ensemble de la société aux réflexions, aux choix et aux réalisations.
Un des leviers d’accélération est la possibilité offerte aux collectivités de devenir, directement ou au travers de sociétés d’économie mixte, actionnaires et parties prenantes de projets. Et il faut continuer à augmenter le plafond de participation maximale. Les projets d’énergies renouvelables qui associent collectivités et citoyens remportent une plus grande adhésion et génèrent plus de retombées et de dynamiques locales dans la durée que les projets classiques. Malgré de nombreuses annonces de financement, de soutien aux projets, il reste difficile, pour beaucoup de collectivités, de faire aboutir des projets. Une meilleure coordination est nécessaire pour trouver le bon curseur entre les politiques publiques et arbitrer entre les conflits d’usage. Il est également possible par exemple d’encourager de manière beaucoup plus importante sur la moitié nord du pays le développement de centrales photovoltaïques sur des friches polluées, des toitures neuves ou des parkings ce qui limite l’artificialisation des sols. Ou de concilier développement éolien et protection de la biodiversité. Nous devons surmonter les blocages idéologiques. Pour accélérer le déploiement des EnR, il faut continuer à mobiliser toutes les énergies, celles des collectivités comme celles des citoyens. »
« Faire des énergies renouvelables un tremplin pour les territoires »
La parole à Virginie Quideau, Responsable développement collectivités et territoires du Groupe CVE
« CVE s’efforce d’accompagner au mieux les territoires en charge de la mise en œuvre des politiques énergétiques nationales. Il n’est pas toujours simple de passer de ces politiques aux actions locales. Pourtant, je suis convaincue que les intercommunalités représentent la bonne échelle pour mener la transition dans les territoires. Nous nous plaçons en partenaire pour co-construire avec elles des projets.
Les principaux freins au développement de projets est le manque d’ingénierie, mais aussi la complexité de la réglementation. Cela dit, nous constatons, grâce à nos opérations à l’étranger, que si les procédures sont lourdes, elles ont au moins le mérite d’exister. Aux États-Unis, en l’absence de politique uniforme (outre les problèmes de capacité de réseau), le taux de transformation des projets, c’est-à-dire leur passage du projet à la réalisation, est moins bon qu’en France. Ce qui ne doit pas nous empêcher de rendre ces procédures plus cohérentes et moins longues…
Un changement de culture est nécessaire et il est déjà en cours, grâce aux maires nouvellement élus qui ont une approche plus ouverte et arrivent à dépasser le fonctionnement en silo de l’administration. Pour nous, un projet EnR est un véritable levier de transition, dont les bénéfices pour le territoire ne sont pas seulement énergétiques mais concernent également l’insertion, l’emploi, la sobriété, les mobilités douces. Les collectivités doivent se saisir de cette opportunité ».
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