En Europe, les citoyens produisent leur propre énergie

Au tournant du 20e siècle, des citoyens européens se lancent dans les énergies renouvelables citoyennes avec le slogan “power to the people”. Aujourd’hui pleinement reconnues sous le terme “communautés énergétiques” par l’Union européenne, elles se développent à géométrie variable dans les Etats membres.

Novembre 2013. Des centaines de militants, portant des capes de pluie aux couleurs bariolées, forment une éolienne géante sur le parvis du Parlement européen à Bruxelles mais aussi simultanément en Autriche, en Espagne et au Royaume-Uni. Réunis à l’appel d’associations de défense de l’environnement (Friends of the Earth Europe, Climate Alliance, Climate Action Network Europe…), ils ont un message pour les décideurs : “Mettre les citoyens au cœur de la politique énergétique de l’Union européenne !”

Maria Santos, chargée de campagne aux Amis de la Terre – Europe se souvient : “C’est la première action de notre coalition pour les communautés énergétiques qui fête aujourd’hui ses dix ans.” La même année, REScoop.eu qui fédère aujourd’hui 2 250 coopératives énergétiques sur le continent est également créée : “En 2014, grâce aux projets précurseurs en Hollande ou en Allemagne, nous savions que l’énergie citoyenne fonctionnait ! Mais il fallait convaincre des bénéfices et du potentiel de ce modèle pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables en Europe.” En 2016, les actions de plaidoyer menées par la coalition et ses 50 membres portent leurs fruits : la Commission européenne publie un paquet de législations énergie-climat dans lesquelles figure le terme “communauté énergétique”. Finalement, la directive pour les énergies renouvelables de 2018 lui donne une existence légale.

9 000 communautés énergétiques

Dynamiser le tissu économique local, partager les revenus issus de la transition énergétique, démocratiser les choix énergétiques, améliorer l’appropriation des projets par les habitants… “Les avantages sont désormais mieux connus, se réjouit Maria Santos. Les citoyens ou les communautés de citoyens sont considérés comme des parties prenantes du système énergétique. Ils ont le droit de produire, stocker, consommer et revendre leur énergie renouvelable.” La Commission européenne estime à 9 000 le nombre de communautés énergétiquesactuellement en opération (citoyens, entreprises ou collectivités). Et leur potentiel est considérable ! La moitié des citoyens européens – y compris les communautés locales, les écoles et les hôpitaux – pourrait produire sa propre électricité renouvelable d’ici 2050, couvrant ainsi 45 % de la demande en énergie, a estimé la société de conseil néerlandaise CE Delft en 2016.

Mais la route est encore longue : les communautés énergétiques sont peu développées en Europe du Sud ainsi qu’en Europe centrale et orientale “où les gouvernements ne voient pas d’un bon œil l’implication des citoyens dans la gestion de l’énergie, poursuit Maria Santos. La transposition de cette directive dans le droit national est ainsi très disparate. “Les cadres juridiques nationaux ne sont pas toujours favorables aux communautés énergétiques mais le grand public hausse le ton pour dépasser les nombreux obstacles qui subsistent sur le terrain : manque d’informations, de connaissances techniques et de financement… ou encore comme en Espagne ou au Portugal, des délais administratifs très longs.”

Une définition à préciser

En 2024, en vue des élections européennes, la coalition européenne a publié un manifeste pour “un futur énergétique démocratique, résilient et abordable” en Europe : “Si les nouveaux eurodéputés favorisent les grandes entreprises, la profitabilité des projets et la compétition économique, au détriment de la co-construction, du portage territorial et de la participation des citoyens aux projets énergétiques… il nous faudra redoubler d’efforts, conclut Maria Santos, mais rien n’est fait, et le pire n’est jamais à craindre.”

En Croatie, l’émergence de l’énergie citoyenne

Grâce aux 140 000 euros investis par des citoyens, la société ZEZ Sun – la toute première communauté énergétique croate – va mettre en service une centrale solaire de 200 kW installée sur les Halles de la ville de Križevci à l’automne 2024. Une victoire pour le directeur de la coopérative ZEZ fondée en 2013, Mislav Kirac : “Nous appelons toutes les communes du pays à nous contacter pour céder leurs toits aux citoyens et leur permettre de bénéficier des retombées financières de ces projets d’énergie renouvelable. La Croatie a beaucoup de potentiel !”

Un collectif pour les économies d’énergie

Enercoop est engagé dans le projet européen Sustainable collective cities and actions for local Europe (SCCALE) aux côtés de dix autres partenaires européens. L’objectif : développer des communautés énergétiques citoyennes à travers l’Europe. En Île-de-France, la coopérative a mobilisé ses sociétaires sur le thème de la sobriété : après plusieurs réunions d’informations et des formations, un collectif de 15 membres s’est créé en 2022 sous la forme d’une association. Avec l’aide du jeu Pète les plombs, “Les économes” sensibilisent aux éco-gestes lors d’événements divers “ouverts et accessibles à tous !”.“L’idée, c’est d’apprendre et de faire ensemble”, explique Camille Lorpin, chargée de coopération européenne et innovation. Un projet-pilote qu’Enercoop compte bien essaimer partout en France.

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