« En Europe, vers un objectif ambitieux d’énergie renouvelable en 2030 »

Durant le premier semestre 2018, les institutions européennes débattent du paquet de législations relatives à la lutte contre le réchauffement climatique et à la transition énergétique en Europe. Au cœur des débats entre Etats-membres et parlementaires européens : l'ambition donnée aux objectifs européens d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique ou encore la régulation du marché de l'électricité. Entretien avec Neil Makaroff, responsable Europe au Réseau Action Climat.

Comment est défini le niveau d’engagement des Etats-membres pour les énergies renouvelables en Europe ?

La directive sur les énergies renouvelables va fixer un niveau d’ambition global pour accélérer leur déploiement en Europe. Malheureusement, certains Etats-membres partisans du statu quo énergétique continuent de soutenir un objectif de 27 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen d’ici à 2030, alors que les énergies renouvelables sont en passe de devenir l’énergie la plus compétitive en Europe. Le Parlement européen l’a compris et défend 35 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. La recherche d’un compromis est en cours… et les positions des Etats-membres peuvent encore évoluer. La France, à ce jour, défend un niveau de 30 % d’énergies renouvelables en 2030 : une position qui est très loin de ce qui faisable et souhaitable au niveau européen, mais qui reflète le retard accumulé dans notre pays.

« La France fait partie du peloton de queue avec seulement 15,7 % d’énergie renouvelable dans son mix énergétique en 2016 »

Au moment où l’Allemagne déploie plus de sept gigawatts par an d’éoliennes terrestres et de panneaux photovoltaïques, la France peine à atteindre les deux gigawatts. Les principales causes de ce retard ? Principalement, les revirements des pouvoirs publics sur les filières renouvelables ces dix dernières années, des contraintes administratives et réglementaires encore très lourdes et le poids du débat sur l’énergie nucléaire… De très nombreux verrous restent à lever dans l’hexagone, mais notre pessimisme ne doit pas freiner les Etats-membres qui sont en capacité d’atteindre et de dépasser l’objectif de 35 % !

Dans quelle mesure la France est-elle à la traîne au niveau européen ?

En Europe, onze pays ont déjà atteint leurs objectifs d’énergie renouvelable à l’horizon 2020. La France fait partie du peloton de queue avec seulement 15,7 % d’énergie renouvelable dans son mix énergétique en 2016, très loin des 23 % auxquels elle s’était engagée pour 2020. Contrairement aux autres « mauvais élèves » que sont notamment le Royaume-Uni, les Pays-bas ou l’Irlande, le déploiement des renouvelables reste atone en France et nous avons des raisons de nous inquiéter !

Aujourd’hui, il est indispensable de placer la barre le plus haut possible en Europe : l’énergie est le secteur le plus émetteur d’émissions de gaz à effet de serre. Planifier la sortie des énergies fossiles comme le charbon, mais aussi le nucléaire, dont la rationalité économique et la sûreté sont fortement remises en cause, est nécessaire en Europe et en France pour enclencher la transition écologique et massifier le développement des énergies propres et renouvelables. En plus, tous les indicateurs sont au vert : le coût d’installation des énergies renouvelables baisse drastiquement partout en Europe et plus personne ne peut contester leur potentiel économique et leurs co-bénéfices en termes d’emplois ou de santé.

Comment ensuite contraindre les Etats à atteindre ces objectifs ?

Cet objectif global, qui fait débat entre les Etats et les députés européens, ne sera contraignant qu’au niveau européen. Comment alors s’assurer que chacun des Etats contribue à cet effort collectif ? C’est dans le cadre d’un règlement, qui définit le système de gouvernance de l’Union de l’énergie et du climat, que la solidarité entre les Etats doit prendre forme. Certains d’entre eux n’ont bien sûr aucune envie de rendre des comptes à la Commission européenne. La Parlement européen comme l’exécutif européen et certains Etats-membres estiment quant à eux que chaque Etat doit établir un plan national énergie-climat pour 2030 associé à une consultation citoyenne.

« Il faut maintenir la priorité d’injection au réseau électrique des énergies renouvelables les jours de pointe. Cela enverrait un signal fort en leur faveur »

C’est peu ou prou ce que fait la France avec son débat public sur la Programmation pluri-annuelle de l’énergie (PPE) et sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Comme les parlementaires européens, la France prône donc une gouvernance robuste de l’énergie et du climat : elle soutient le principe d’une trajectoire nationale qu’elle souhaite voir planifiée avec des points de passages contraignants pour chaque Etat. C’est la condition sine qua none à la solidarité européenne dans la lutte contre les changements climatiques et la transition énergétique. Nous nous réjouissons que le gouvernement ait finalement choisi de soutenir cette position à l’automne dernier après y avoir été très rétif. La société civile a fait bouger les lignes.

Les énergies renouvelables seront-elles privilégiées sur le marché de l’électricité ?

La question de la priorité d’injection au réseau électrique des énergies renouvelables les jours de pointe est actuellement débattue dans une des directives de ce paquet énergie-climat. Nous pensons qu’il faut la maintenir car cela enverrait un signal fort en faveur des énergies renouvelables sur le continent. Le Parlement européen propose de garantir cette priorité aux installations existantes, et de la maintenir pour les petites installations renouvelables et les projets citoyens à l’avenir.  De la même manière, il est nécessaire que les Etats et les députés européens sécurisent un statut favorable à l’émergence des communautés énergétiques citoyennes et aux projets citoyens d’énergies renouvelables car ils sont la clef de la transition énergétique sur le continent.

En revanche, cela aura un impact positif que si l’on ne donne pas un avantage compétitif, en particulier par le biais de subventions publiques, aux centrales fossiles et fissiles en Europe comme c’est le cas avec « le marché de capacité ». Ce dernier vise à maintenir en vies des centrales à charbon et nucléaires vieillissantes et obsolètes afin de répondre à des pics de demandes électriques. Face à l’Allemagne et à la Pologne partisanes de tels mécanismes pour les centrales à charbon, le Parlement européen tout comme la France ont souhaité en exclure les unités les plus polluantes afin d’arrêter de gaspiller de l’argent public dans les énergies fossiles en Europe. Néanmoins, si la France se veut à l’avant-garde sur la fin de ces mécanismes pour le charbon, elle s’oppose vigoureusement à son arrêt pour ses propres centrales nucléaires, favorisant au passage son entreprise nationale : EDF. Aujourd’hui, « le marché de capacité » est un puits sans fond pour l’argent du contribuable, sans répondre aux enjeux de sécurité énergétique, dont la solution ne peut être que européenne.

Publication

Cet article est extrait du CLER Infos n°118

Partout en France, les acteurs de terrain racontent leurs difficultés à réaliser concrètement des projets d’énergie renouvelable. Montages financiers, réseaux électriques, dynamique partenariale… pour les aider, de nombreuses barrières doivent être baissées. Un cadre réglementaire qui encourage (et non qui freine) cette multitude de petits projets doit être bâti pour permettre aux collectivités, associations ou entreprises, de passer de l’envie à la réalité, de la parole aux actes. Et dans un même élan, accélérer la transition énergétique en France, dans tous les territoires. Un dossier à retrouver dans le CLER Infos n°118.

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