En Allemagne, de nouvelles mesures en faveur de l’énergie citoyenne

Début avril, le gouvernement allemand présentait un projet de refonte complète du secteur de l’électricité du pays. Ce “paquet de Pâques”, fixe de nouveaux cadres pour les énergies renouvelables, afin de mettre le pays sur la voie de la neutralité climatique.

Entretien avec Viola Theesfeld, chargée de mission politique et économie de l’énergie au sein de la fédération allemande de l’énergie citoyenne Bündnis Bürgerenergie.

Quelles sont les nouvelles mesures relatives à l’énergie citoyenne ?

Viola Theesfeld : À compter du 1er juillet 2022, les consommateurs allemands n’ont plus à payer la surtaxe sur les énergies renouvelables (EEG) qui était destinée à financer le développement des énergies renouvelables mais manquait surtout d’équité. Les procédures d’appel d’offre ont aussi été réformées. Les projets citoyens ou “communautés énergétiques” en sont désormais dispensées pour les installations éoliennes de moins de 18 MW, les installations solaires au sol de moins de 6 MW, et jusqu’à 1 MW pour les toitures photovoltaïques. La complexité, la durée et le prix de ces procédures étaient dissuasives pour les coopératives citoyennes, qui étaient de fait exclues des grands projets d’énergie renouvelable, notamment éoliens. Ces verrous ont enfin été levés.

Comment aller plus loin pour développer massivement les énergies renouvelables grâce aux acteurs locaux et aux citoyens ?

V.T. : Deux instruments qui figurent dans la directive RED II (Renewable Energy Directive) restent à transposer en Allemagne. Cette directive prévoit par exemple qu’il soit aussi simple pour une copropriété de recourir à l’autoconsommation que pour un ménage. Nous avons des progrès à faire en la matière. Par ailleurs, nous devons aboutir à l’adoption d’une définition claire de ce que sont les communautés d’énergie citoyenne. Nos législateurs y travaillent. Pour nous,  cette définition ne doit pas être restreinte à l’échelle trop réduite d’une intercommunalité. Et doit veiller à limiter les risques d’abus de la part d’industriels. Cette définition peut être l’occasion de réaffirmer le droit pour ces communautés énergétiques de partager l’énergie qu’elles produisent comme tout opérateur, dans un périmètre local élargi. Tous les habitants d’un immeuble ne peuvent pas avoir un panneau solaire sur leur toit, tous les immeubles d’un quartier ne peuvent être équipés. Actuellement les coopératives peuvent déjà fournir de l’énergie à leurs membres, mais à un coût déraisonnable. Un cadre législatif doit autoriser les citoyens et leurs coopératives à partager l’énergie de leurs installations via le réseau de distribution d’électricité. Il faut faciliter le partage !

« Notre ambition : 80% de notre production d’énergie d’origine renouvelable d’ici 2030 »

Plus globalement, le paquet législatif allemand vous semble t-il assez ambitieux ?

V.T. : Le « Paquet de Pâques » est un signe de satisfaction pour de nombreuses associations en faveur des énergies renouvelables. Il réaffirme une ambition forte, celle que 80% de notre production d’électricité soit d’origine renouvelable d’ici 2030. Mais pour nous, qui nous mobilisons pour l’énergie citoyenne, le paquet n’est pas encore suffisant. Dans la version présentée (le projet sera finalisé mi-juillet 2022) des primes financières par exemple favorisent l’injection de l’électricité renouvelable dans le réseau. Nous estimons au-contraire qu’il faut soutenir sa consommation au plus près de sa source de production pour être indépendant des livraisons chères de l’électricité et pour pouvoir utiliser sa propre installation photovoltaïque pour charger la voiture électrique ou exploiter sa propre pompe à chaleur. Transporter l’énergie sur de longues distances n’est pas efficace. Notre approche est celle de l’indépendance énergétique locale avec une forte participation financière des citoyens qui s’approprient les installations énergétiques dans leur région.