Dix ans de lutte contre la précarité énergétique

En 2005, un nombre de plus en plus important d'acteurs de l’action sociale, de l’habitat et de l’énergie sont confrontés au phénomène de précarité énergétique et l'observent prendre de l'ampleur sur le terrain. Pour y remédier, ils commencent à s'organiser en réseau et à formuler des propositions d'action. Dix ans plus tard, pas moins de 900 membres ont rejoint le mouvement national au sein du Réseau des acteurs contre la pauvreté et la précarité énergétique dans le logement (RAPPEL).

Au départ, l’idée était « modeste », se souvient Didier Chérel. Responsable de la précarité énergétique à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) dès 1998, il constate que les animateurs des fonds sociaux d’aide aux travaux sur l’énergie, alors déployés dans 15 départements, sont isolés et ne communiquent pas ensemble : « Il fallait répandre les bonnes pratiques, et faciliter les échanges entre ces acteurs travaillant à la confluence de diverses thématiques : énergie, logement et précarité. » Le CLER, encore nommé Comité de liaison pour les énergies renouvelables, entreprend alors de piloter et d’animer ce réseau RAPPEL encore embryonnaire, soutenu financièrement par l’Ademe et la Fondation Abbé Pierre.

Décloisonner les corps de métier

Le réseau commence à aider les professionnels à trouver des solutions préventives et curatives durables à la précarité énergétique. En mutualisant et en diffusant les outils existants, en partageant les expériences de terrain, il permet de faire monter en compétences les acteurs intervenant auprès des ménages, et d’améliorer le dialogue et la compréhension entre eux. Pour Sandrine Buresi, salariée de Gefosat et administratrice du CLER, ce décloisonnement des corps de métier est essentiel : « La précarité énergétique est un sujet par nature transversal. Par exemple, il implique pour une collectivité d’articuler le travail de différents services. EDF, thermiciens, travailleurs sociaux… cela aurait été stupide de continuer à travailler chacun de notre côté ou d’être mis en concurrence, alors que nous étions tous confrontés à la même problématique. »

 

« Lutter contre la précarité énergétique fait partie des objectifs de notre politique énergétique. »

Le réseau devient rapidement un lieu de dialogue et d’échange informel entre les têtes de réseau, où se discute la stratégie à mettre en oeuvre pour que la précarité énergétique devienne un véritable enjeu des politiques publiques. Sur la base d’un manifeste « Habitat, Précarité sociale et Energie » paru en 2005 qui fait l’objet d’une conférence de presse dans les locaux de la Fondation Abbé Pierre, le réseau appelle à « une politique cohérente, active et dotée de moyens à la hauteur des ambitions dans un contexte de crise du logement, de crise sociale et de forte hausse des coûts de l’énergie ». Il entreprend pour cela de répertorier les politiques et les outils législatifs réglementaires et financiers dédiés à la précarité énergétique, et peaufine son expertise.

Définir la précarité énergétique

En 2009, les membres du RAPPEL écrivent une lettre ouverte adressée aux parlementaires, étonnés de ne voir débattu nulle part le sujet de la précarité énergétique au cours du Grenelle de l’environnement. Un groupe de travail piloté par l’Agence nationale de l’habitat et la Fondation Abbé Pierre est alors constitué dans le cadre du Plan Bâtiment Durable. Ce travail collectif sur trois mois – premier du genre dans un cadre « officiel » – aboutira fin 2009 à la rédaction d’un rapport détaillant une série de propositions. Rapidement, une définition officielle de la précarité énergétique est adoptée et inscrite dans la loi « Grenelle 2 ». La création d’un Observatoire national de la précarité énergétique est également annoncée et le Programme Habiter Mieux voit le jour.

En 2016, dix ans après avoir initié le dialogue sur la thématique de la précarité énergétique en France, Didier Chérel constate le succès du RAPPEL qui réunit désormais pas moins de 900 membres. « L’importance de ce réseau valide aux yeux des pouvoirs publics qu’il est important d’agir sur cette question », estime-t-il aujourd’hui. Auparavant inexistant, le phénomène de « précarité énergétique » a d’abord été nommé, il est désormais inscrit noir sur blanc dans les textes de loi. « On mesure aujourd’hui le chemin parcouru quand on lit le premier article de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Lutter contre la précarité énergétique fait partie des objectifs de notre politique énergétique, argumente Sandrine Buresi. Ce chemin a été parcouru relativement vite. »

Cela donne de l’espoir pour les nombreux défis qu’il reste à relever : avec 500 000 précaires énergétiques supplémentaires en deux ans, le nombre de personnes aux revenus modestes qui ne parviennent pas à se chauffer décemment ou à payer leurs factures est malheureusement toujours en hausse. Un chiffre qui démontre à lui seul l’intérêt d’agir collectivement pour lutter contre ce fléau.

Publication

Cet article est extrait du CLER Infos n°113

Confrontés à l’humidité des murs, au froid, ou aux moisissures, aujourd’hui près de 12 millions de Français vivent dans un logement « passoire », qu’ils peinent ou renoncent à chauffer correctement faute de moyens. Les aider à améliorer leur habitat, à l’isoler et le rendre plus économe, est la première étape d’un vaste chantier : celui de la rénovation du bâti en France. Comment remédier à la précarité énergétique ? Qui sont les acteurs mobilisés pour lutter contre ce mal grandissant ? Quels sont leurs outils ? Un dossier à retrouver dans le CLER Infos n°113.

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