Des batteries très médiatiques mais à l’intérêt limité

Quel rôle les batteries électrochimiques auront-elles à jouer dans le cadre de la transition énergétique ? Derrière un épais vernis de modernité, elles pourraient être utiles à moyen terme pour le consommateur et pour le système électrique, mais s’avéreront moins intéressantes à court et long terme. Sans oublier les questions d’empreinte écologique globale et de recyclage qui restent entières...

Depuis que le fabricant de voitures électriques haut de gamme Tesla a lancé en 2015 sa campagne mondiale de communication autour du concept présenté comme révolutionnaire de « Powerwall », le stockage d’électricité à la maison semble devenu le must absolu de tout « smart grid » digne de ce nom. S’il s’agit bien là d’un saut, il est plus de nature industrielle (augmentation des capacités des usines de production et réduction afférente des coûts) que technologique : malgré un effort remarquable de design et de marketing, les batteries Tesla et celles de leurs concurrents restent des batteries électrochimiques « stationnaires » aux performances améliorées, mais leur domaine d’application reste limité, tant en capacité à coût abordable et impact environnemental limité qu’en durée de stockage – soit quelques kWh pendant quelques heures ou quelques jours.

Pas de bénéfices pour le consommateur

Qu’il soit motivé par un gain économique ou par l’espoir de plus de confort, le consommateur, même s’il est aussi producteur photovoltaïque, aura du mal, s’il est raccordé à un réseau public de distribution qui répond aux normes de qualité de service habituellement observées en France métropolitaine, à tirer un quelconque bénéfice de son investissement. En effet ni les particuliers, ni les PME, ni les collectivités n’ont un accès aux marchés de l’électricité qui pourrait justifier qu’ils choisissent de stocker l’électricité qu’ils produisent (ou qu’ils achètent) pour la consommer ou la vendre au moment où sa valeur sera plus élevée.

La situation est évidemment très différente dans les « zones non-interconnectées » (les îles) où les coûts de production et de distribution de l’électricité sont tellement élevés qu’une solution « énergies renouvelables + stockage » pourrait bientôt remplacer avantageusement la production fossile tout en améliorant la sécurité d’approvisionnement. Elle l’est également en Allemagne où le stockage individuel peut se justifier économiquement par un prix de vente moyen de l’électricité au consommateur final (30 c€/kWh) proche du double du coût de production du kWh photovoltaïque et par l’intérêt qu’il présente pour les gestionnaires des réseaux proches de la saturation du fait d’un taux très élevé de pénétration du photovoltaïque.

Nous sommes très loin de ces deux cas de figure en France métropolitaine… où si l’on entend autant parler de stockage, c’est avant tout parce qu’un certain nombre de professionnels ont cru voir dans l’autoconsommation, et le stockage qui peut y être éventuellement associé, une planche de salut après la catastrophe du moratoire et de ses suites, notamment l’explosion des coûts de raccordement au réseau du fait de la suppression pour les seuls producteurs de la remise de 40 % (la fameuse « réfaction ») début 2011.

D’autres solutions plus adaptées pour le réseau électrique

Le système électrique 100 % renouvelable qui sous-tend la transition énergétique intégrera nécessairement une part de stockage, mais l’analyse montre que les besoins ne commenceront à apparaître qu’avec des taux d’énergies renouvelables fluctuantes (photovoltaïque et éolien) situés entre 40 et 50 % (contre à peine 5 % aujourd’hui), c’est-à-dire dans plusieurs décennies. A cette échéance et au-delà, les besoins seront de nature inter-saisonnière et se chiffreront en TWh, deux dimensions clairement hors de portée des batteries électrochimiques, même les plus sophistiquées et les moins coûteuses, d’autant plus que d’autres solutions bien plus adaptées sont d’ores et déjà en cours de développement, notamment le fameux « Power-to-Gas » (production d’hydrogène et de méthane de synthèse).

La combinaison des différents moyens qui seront alors en fonctionnement pour le stockage massif et la valorisation inter-saisonnière des excédents offrira une telle flexibilité qu’il leur sera possible de répondre aussi, selon l’adage « qui peut le plus peut le moins », aux besoins de stockage de plus faible amplitude temporelle. Dès lors, le rôle des batteries électrochimiques consistera plus à soutenir ponctuellement le réseau de distribution au niveau des boucles locales qu’à stocker de l’électricité en quantité dans une logique opportuniste pouvant aller à l’encontre d’une transition globale.

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Marc Jedliczka

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