Dans la Loire, une unité de méthanisation portée par des agriculteurs
Douze agriculteurs se sont rassemblés pour créer Methamoly, un projet de méthanisation collective. Dès la fin de l’année, elle transformera à la fois les matières organiques de leur ferme, mais aussi des bio-déchets locaux en biogaz.
Il y a une petite dizaine d’années, en 2009, l’idée commence à faire son chemin sur le territoire des monts du Lyonnais. Etudes d’opportunités, voyage à l’étranger (en Suisse notamment), les élus s’intéressent de près à la méthanisation. « Suite à la réalisation d’une étude exploratoire par la Communauté de Communes des Monts du Lyonnais (Simoly) sur la méthanisation rurale, des élus se sont dits qu’il était possible d’agir. Ils ont alors beaucoup communiqué auprès des agriculteurs, se souvient Aloïs Klein, lui-même éleveur de bovins. En 2012, avec onze autres collègues, nous avons réfléchi à la possibilité de construire un projet ensemble. »
Matières organiques et bio-déchets
De fil en aiguille, ce dernier se dessine : une unité de méthanisation de 6000 MWh/an à Saint-Denis-sur-Coise (Loire), qui traitera plus de 16 000 tonnes de matières par an et alimentera, dans un premier temps en électricité, 1200 foyers. Cette installation recueillera à la fois des matières organiques provenant des fermes (effluents d’élevage, lisier, fumier), pour deux tiers, mais aussi des bio-déchets émanant du territoire, pour le tiers restant (reste des cantines scolaires, d’usines agroalimentaires, déchets verts…).
« L’ambition était de construire un projet de territoire. Nous avons notamment travaillé sur ses dimensions économiques afin d’impliquer les entreprises locales dans la construction », détaille l’agriculteur. Dans cette zone montagneuse très peuplée, prise en étau entre entre Lyon et Saint-Etienne, le groupe fondateur du projet a aussi beaucoup communiqué auprès des habitants. « De nombreuses réunions ont été organisées car nous souhaitions vraiment prendre le temps d’expliquer notre projet en toute transparence. Il n’y a d’ailleurs pas eu d’opposition majeure. »
Garder les motivations intactes
Très vite, les douze paysans se sont aussi rendu compte qu’ils manquaient de compétences et ont choisi de s’entourer du Syndicat intercommunal des monts du Lyonnais et d’Energie partagée qui accompagne citoyens et institutions dans l’installation de leur production d’énergie renouvelable citoyenne. « Ce projet est complexe et exemplaire, se souvient Suzanne Renard, chargée de projets méthanisation pour cette association qui est également un outil d’investissement citoyen. Nous sommes intervenus en phase de développement pour contribuer à financer les études et les demandes d’autorisation. Et nous avons maintenu notre soutien sur la phase d’investissement.» Energie Partagée investit ainsi au capital de ce projet de 6,5 millions à hauteur de 200 000 euros, aux côtés des agriculteurs (réunis dans la SAS Agri EnR), de la SEM (société d’économie mixte) Soleil et du Fonds OSER pour lui assurer un ancrage citoyen et local.
« Investisseurs, agriculteurs… le fait d’animer un collectif avec des profils très divers prend beaucoup de temps, il faut entretenir l’esprit de groupe, garder les motivations intactes puisqu’un projet de ce type s’étale dans la durée », poursuit Aloïs Klein, qui a consacré chaque semaine entre un jour et demi et deux jours (rémunérés) pour le projet. Methamoly devrait être en fonctionnement fin 2018, avec un début d’injection du bio-méthane sur le réseau en mars 2019.
Par Claire Baudiffier, journaliste.
Crédit photo : Energie partagée.
Le chiffre : 405
C’est le nombre d’installations de méthanisation existantes en France actuellement (dont 230 à la ferme). La loi de transition énergétique fixe un objectif de 10 % du gaz d’origine renouvelable en 2030. Avec 80 installations supplémentaires en 2017, la filière se développe rapidement. Pour accélérer les projets et professionnaliser la filière, le gouvernement a proposé en 2018 de simplifier les démarches administratives. Un fond de prêts de 100 millions d’euros créé avec BPI France a également été annoncé. Un potentiel important également souligné par le scénario négaWatt et une étude de l’Ademe parue fin janvier 2018 sur la faisabilité d’un « mix gazier 100 % gaz renouvelable en 2050 ».
Cet article est extrait du CLER Infos n°119
Sur le terrain, les agriculteurs observent et subissent le dérèglement climatique. En modifiant leurs pratiques agricoles, en réduisant leur consommation d’énergie ou en produisant des énergies renouvelables, ils peuvent aussi agir pour en réduire les effets. Alors que le système agricole et alimentaire français est responsable d’un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre, les pouvoirs publics tardent pourtant à prendre des mesures à la hauteur des enjeux. Comment encourager les pratiques agro-écologiques ? Quels projets d’énergie renouvelable favoriser ? Comment les légumineuses agissent-elles en faveur du climat ? Comment activer le levier de l’alimentation durable, main dans la main avec les collectivités locales ?
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