Alors les énergies renouvelables, combien ça coûte ?
Le Comité de gestion des charges de service public de l’électricité a publié son premier rapport annuel. Il analyse les charges liées au soutien des énergies renouvelables (EnR) électriques et à la cogénération au gaz naturel en métropole continentale. Le coût des EnR est-il entrain de baisser en France ? Quel sera l'impact de la prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie ? Quel autre critère faut-il prendre en compte pour mesurer l'efficacité des EnR ? Les explications de Marie-Laure Lamy, co-présidente du CLER, et présidente ce comité.
Qu’est ce que la Contribution aux charges de service public de l’électricité (CSPE) ?
La CSPE est aujourd’hui une contribution acquittée par les consommateurs sur les factures d’électricité. Historiquement, cette ligne sur la facture finançait les charges du service public de l’électricité. Depuis la mise en œuvre de la réforme des charges du service de l’énergie de 2016, elle n’est plus liée au financement des énergies renouvelables. Il s’agit désormais d’une taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité dont le produit revient directement au budget général de l’Etat. Son taux est resté fixé à 22,5 €/MWh depuis cette date. Afin d’apporter plus de clarté au consommateur, nous souhaitons redéfinir son appellation : il serait plus exact de dire que les fournisseurs d’énergie sont redevables d’une Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), dont le montant est affiché en bas de la facture.
Quelles sont les missions du Comité de gestion des charges de service public de l’électricité que vous présidez ?
Il a été créé par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Sa mission principale est de suivre et d’analyser le poids des engagements pluriannuels et la dynamique d’évolution des charges de service public. Sa vocation est d’éclairer les citoyens et les parlementaires sur ces coûts. Nous faisons œuvre de pédagogie et cherchons à apporter de la transparence, dans la lignée des travaux qu’a menés la Commission de régulation de l’énergie (CRE) depuis de nombreuses années, notamment dans son rapport de 2014, et par ses travaux de 2017 ou 2018 dans le cadre de l’enquête de la Cour des comptes sur le soutien aux renouvelables.
Une partie des missions du comité que je préside consiste à évaluer le coût de ce soutien public, en fonction des engagements pris par la France. Dans le rapport annuel, nous nous sommes concentrés sur les engagements pris par le gouvernement à fin 2018, en évaluant et en chiffrant ce que l’Etat s’est déjà engagé à soutenir via les contrats en tarifs d’achats ou les appels d’offres, ce qui a déjà été payé et ce qu’il reste à payer jusqu’à la fin des contrats (2041).
Quels sont les membres de ce comité et comment fonctionne-t-il?
L’intérêt de ce comité tient dans la pluralité des membres qui le composent. Il réunit des représentants de la Cour des comptes, de la CRE, des administrations des ministères de la Transition écologique et solidaire, de l’Economie, du Budget et de l’Outre-mer. Il est également composé de trois personnalités qualifiées pour leurs compétences dans les domaines des énergies renouvelables, des zones non interconnectées et de la protection des consommateurs. Auparavant, tous ces acteurs n’avaient pas l’habitude de se réunir aussi régulièrement pour travailler sur ces sujets. Un député et un sénateur devraient aussi rejoindre le comité. Ses travaux ont commencé en octobre 2017. En 2018, nous nous sommes réunis cinq fois. Et, au regard de l’ampleur de la tâche, encore autant depuis début 2019. Ces réunions ont été l’occasion d’appliquer les méthodes de « gouvernance partagée » qui me sont chères. En tant que présidente, j’ai trouvé important de garantir les conditions pour que tout le monde puisse exprimer son point de vue.
« Les énergies renouvelables sont des énergies de paix et de justice sociale »
Les réunions du comité sont organisées sur des journées entières. Les matinées sont dédiées à des auditions d’acteurs et d’experts du secteur, afin que les membres puissent monter ensemble en compétences. En plus des experts du ministère de l’énergie et de la CRE, nous avons reçu RTE, l’Ademe, le Syndicat des énergies renouvelables, et bien sûr le CLER – Réseau pour la transition énergétique. Il était important de se baser sur des informations remontant du terrain et de bénéficier d’un éclairage apporté par ces experts. Les après-midi sont consacrées à l’avancée des travaux du comité.
Alors les énergies renouvelables, combien ça coûte ?
Le coût des énergies renouvelables (EnR) baisse très vite. Par exemple, le coût du soutien au solaire photovoltaïque a été divisé par plus de cinq en dix ans, passant de 500 € / MWh à 90 € / MWh aujourd’hui en moyenne en France. Dans l’état actuel des choses, les engagements pris par l’Etat à fin 2018 sont compris entre 138 et 149 milliards d’euros jusqu’en 2042, selon les prix de marché que l’on constatera sur la période. Cela peut sembler important, mais une grande partie (près de 30 %) est due à un mauvais calibrage du soutien public au solaire avant 2010 (la fameuse « bulle du PV »). Aujourd’hui, la politique de soutien française est plus efficace. Cependant, il faut bien avoir en tête deux éléments fondamentaux : d’une part, le coût du soutien public dépend principalement du prix du marché de l’électricité, et d’autre part, l’efficacité ne se mesure pas qu’avec le seul critère du coût, mais aussi en regardant les impacts et les co-bénéfices pour les territoires.
Quels sont ces co-bénéfices pour les territoires ? Sont-ils pris en compte par le comité ?
Malheureusement, cette évaluation ne fait pas partie des attributions du comité. Mais nous souhaitons que soient également pris en compte le développement local, ainsi que toutes les externalités positives : indépendance énergétique, création de richesse locale, emplois, implication des habitants dans la transition énergétique. Les énergies renouvelables sont des énergies de paix et de justice sociale. Un avis récent de la Cour des comptes a par exemple fustigé le coût des EnR mais son analyse ne prenait en compte qu’un seul critère : celui du développement des emplois industriels en France. De mon point de vue, c’est insuffisant.
Dans quelle mesure le coût du soutien aux EnR va-t-il évoluer à l’avenir ?
Concernant l’évaluation du coût du soutien public, on peut logiquement estimer que le prix de l’électricité devrait continuer à augmenter pour suivre l’augmentation des coûts des énergies fossiles (prix du pétrole et du gaz sur les marchés mondiaux, augmentation du prix du CO2 émis) et du nucléaire (renforcement des exigences de sécurité, fin de vie du parc actuel appelant de forts investissements pour le démanteler, le remplacer ou le prolonger). Cela ferait mécaniquement baisser le coût du soutien public aux EnR, jusqu’à l’annuler et même générer des bénéfices, quand les EnR seront moins chères que le prix du marché.
Le comité prépare également un avis sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en cours de finalisation.
Dans l’avis « sur le volet budgétaire de l’étude d’impact de la PPE de métropole continentale », qui sortira dans quelques semaines, nous estimons l’impact et donc le coût de ces nouveaux objectifs de développement des énergies renouvelables.
En tant que présidente du CLER, j’estime que la PPE actuellement proposée par le gouvernement fait courir le risque de dérégler le marché de l’électricité en organisant une surproduction (et donc une forte baisse du prix de l’électricité) faute d’acter les fermetures de réacteurs nucléaires cohérentes avec la baisse attendue et nécessaire des consommations et l’essor des renouvelables. Cela risque de remettre en cause les équilibres économiques pour l’ensemble du marché et pour les différentes filières. A ce moment-là, soit on laisse le système pérécliter (risques de faillites des producteurs, arrêt des investissements pour préparer l’avenir…), soit on augmente le soutien public et c’est l’ensemble du système électrique, et pas uniquement les EnR, qui coûtera plus cher aux Français.
Marie-Laure Lamy
Co-Présidente du CLER – Réseau pour la transition énergétique
marielaurelamy[arobase]aloen.fr