Communautés énergétiques : où en est-on ?
Fin 2021, l’ensemble des États membres de l’Union européenne devaient transposer les directives européennes sur le développement des communautés énergétiques dans les textes nationaux. Le point avec Alix Bolle, chargée des questions européennes chez Energy Cities et Alexis Monteil-Gutel, responsable de projets énergies renouvelables au CLER-Réseau pour la transition énergétique.
Quelle sont les intentions du Parlement européen sur les communautés énergétiques ? Où en est la France ?
Alix Bolle : Energy Cities est un des deux acteurs qui a poussé l’adoption d’une définition des communautés énergétiques, dans les directives relatives aux énergies renouvelables et au marché de l’électricité. Notre ambition : encourager le développement économique, social et la solidarité entre les territoires.
Les communautés énergétiques dynamisent le tissu économique local, permettent de mieux partager les revenus issus de la transition énergétique et démocratisent le contrôle et les choix du système énergétique. Mais ce qui a vraisemblablement déterminé la Commission européenne à soutenir ces communautés, c’est principalement la question de l’acceptabilité des projets. Y associer les citoyens permet de les voir aboutir.
Alexis Monteil-Gutel : En France, ces directives ont été un point d’appui important pour entamer un travail collectif sur ces projets territoriaux et coopératifs. Favoriser la participation d’acteurs locaux à la gouvernance de projets est essentiel pour la démocratie comme pour l’économie. Cela concerne également des projets de mobilité décarbonée par exemple.
Un groupe de travail national animé par la Direction Générale de l’Énergie et du Climat avec l’appui de l’ADEME et de l’IDDRI a permis de faire un état des lieux de la dynamique en France. Près de 250 projets recensés par Énergie Partagée, une implication croissante des collectivités et un souhait des citoyens de s’engager dans la transition énergétique. Ce groupe, qui a réuni une quarantaine de parties prenantes, a identifié les freins au développement des projets et les moyens de les lever. En novembre 2021, la ministre de la Transition écologique a ainsi annoncé dix mesures pour accélérer le développement des projets d’énergies renouvelables à gouvernance locale, avec l’objectif de 1000 nouveaux projets d’ici 2028. Soit une multiplication par 4 ou 5 par rapport à aujourd’hui. Même si le périmètre reste à définir et les moyens à mettre en face, cette annonce va dans le bon sens.
Qu’apporte le nouveau paquet énergie-climat “fit for 55” ?
AB : Le paquet « Fit for 55 » a pour ambition d’adapter la législation européenne afin d’atteindre l’objectif de réduire de 55% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Il s’appuie sur la révision de nombreuses directives pour renforcer la place des citoyens notamment en matière d’efficacité énergétique. Les communautés énergétiques ne sont plus simplement des communautés de production d’énergie renouvelable mais aussi des communautés d’acteurs de la rénovation ou de l’efficacité énergétique du bâtiment.
AMG : En France et en Europe, dans le cadre de coalitions, nous avons porté des propositions pour que les citoyens et les acteurs locaux soient parties prenantes des politiques de transition écologique et énergétique et de développement des énergies renouvelables. Aujourd’hui, c’est une mesure que le CLER – Réseau pour la transition énergétique porte avec le Réseau Action Climat dans le cadre de la Présidence du française du Conseil de l’Union européenne.
Quelles sont les bonnes pratiques en Europe et en France ?
AB : Nous voyons émerger une alliance entre les autorités locales et les groupements de citoyens, ce qui donne souvent une dimension d’inclusion sociale aux projets. Par exemple, en banlieue d’Athènes, la municipalité d’Ilioupoli souhaite mener un projet d’autoconsommation photovoltaïque dans des bâtiments collectifs abritant un public précaire.
En Belgique, à Gand, c’est une véritable économie circulaire et solidaire qui sous-tend le déploiement des énergies renouvelables. Les recettes du surplus d’électricité verte produite par la ville servent à financer des installations de chaleur renouvelable…
Au niveau des États, l’Écosse s’est dotée d’un objectif de 2 GW d’énergies renouvelables produites par des communautés énergétiques d’ici 2030 tandis qu’à la même échéance les Pays-Bas se sont fixé un objectif de 50% d’installations d’électricité renouvelable terrestres détenues par des acteurs locaux.
AMG : En France, de nombreuses collectivités n’ont pas attendu l’intégration des communautés énergétiques aux directives européennes pour enclencher et cofinancer des projets territoriaux d’énergie renouvelable. Au premier plan : les « territoires à énergie positive »(TEPOS) coordonnés par le CLER – Réseau pour la transition énergétique.
Besançon mène par exemple un programme similaire à celui d’Illioupoli. On pourrait aussi citer la région Occitanie qui s’est assigné l’objectif de développer 500 projets d’énergie citoyenne avec 100 000 citoyens coopérateurs d’ici 2030. Ce qui manque encore c’est un meilleur accompagnement des collectivités locales, en particulier des territoires ruraux qui disposent de peu d’ingénierie. Des mécanismes de soutien encore inadaptés aux acteurs locaux (par exemple sur l’accès aux appels d’offres ou à travers des tarifs d’achat nationaux). Ou encore le défaut d’articulation entre objectifs nationaux et plans locaux La transition énergétique ne peut pas se faire sans la participation active des acteurs des territoires.
En savoir plus
Le CLER – Réseau pour la transition énergétique organise le 24 février 2022 un webinaire sur l’actualité politique et réglementaire des communautés énergétiques.
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