Clever mise sur la sobriété et la solidarité

L’Association négaWatt et ses 25 partenaires européens ont dévoilé leur projet de scénario européen à Bruxelles. Son nom : Clever, pour Collaborative Low Energy Vision for the European Region. Explications avec Yves Marignac, porte-parole de négaWatt.

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Jusqu’à présent les scénarios de négaWatt portaient sur la France. Qu’est-ce qui a motivé cet exercice européen ?

C’est la COP21 qui nous a convaincus du rôle clé d’une stratégie européenne. Mais force est de constater qu’il manquait à cette échelle un scénario qui soit à la fois global et ambitieux et construit en partant des trajectoires nationales. Pour ce faire, il fallait tenir compte des contraintes liées à l’histoire, à la disponibilité des gisements d’énergies renouvelables et des profils socio-économique des populations qui varient considérablement d’un pays à l’autre. Au total, Clever a nécessité quatre années de travail pour confronter les approches et trouver une base scénaristique commune. Mais, le jeu en valait la chandelle car ces travaux nous ont amenés à reconsidérer les trajectoires nationales au prisme, notamment, de la solidarité entre les états. Pour atteindre plus vite la neutralité carbone à l’échelle du continent, il faudra par exemple que les pays dotés de forts potentiels EnR aillent au-delà de leurs propres besoins pour aider ceux qui sont moins bien dotés.

Quels sont les plus grands enjeux auxquels nous devons faire face en Europe ? quels leviers devons-nous actionner en priorité ?

Le scénario Clever s’inscrit dans la vision d’une Europe 100% autosuffisante en énergie grâce aux énergies renouvelables – éolien, solaire et biogaz – , en écartant les options risquées telles que nouveau nucléaire ou séquestration du carbone. Les leviers d’une trajectoire soutenable sont bien connus : sobriété, efficacité énergétique et déploiement rapide des énergies renouvelables. La priorité est la sobriété, qui présente la plus belle marge de progrès. Dans Clever nous mettons l’accent sur deux axes : la sobriété servicielle d’une part – qui consiste à utiliser avec plus d’intelligence et de modération l’existant – et la sobriété structurelle d’autre part qui vise à créer, dans l’organisation de l’espace ou de nos activités, les conditions d’une réduction de notre consommation. Là aussi il est question de solidarité à travers la notion de corridors de sobriété qui vise à faire converger les niveaux de vie entre un plafond – celui des limites écologiques – et un plancher – celui de la satisfaction de conditions de vie décentes. Par exemple, lorsqu’on dit que le nombre de kilomètres parcourus doit être compris entre 11 000 et 15 000 km par individu, cela signifie que les citoyens suisses ou français devraient sensiblement réduire leurs déplacements pour permettre aux roumains ou aux polonais de circuler davantage.

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Quelles sont les conclusions de vos travaux ?

Notre scénario prévoit que, en 2050, l’Europe aura la capacité de couvrir l’ensemble de ses besoins en énergie grâce aux énergies renouvelables locales. Il indique également que la neutralité carbone pourra être atteinte en 2045, ce qui est à nos yeux la dernière limite pour tenir l’objectif de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C à 2100. Cela suppose d’atteindre un pallier de -65% d’émissions nettes à 2030, alors que la feuille de route européenne table sur une baisse de 55%. Nous appelons donc à une accélération des mesures de décarbonation mais, avec Clever, nous proposons une trajectoire d’équilibre entre l’ambition des objectifs et le réalisme des transformations à mener.