La biomasse : une ressource sous-utilisée ?

« Quelles biomasses pour la transition énergétique ? » interroge le rapport publié en septembre 2024 par Solagro, une association membre du réseau Cler, qui depuis 40 ans promeut une agroécologie durable. Sur la base de son scénario prospectif Afterres 2050, l’association a examiné quelles étaient les principales ressources de biomasse mobilisables pour l’énergie, sans pénaliser l’alimentation, la biodiversité, la qualité des sols, de l’air et de l’eau. Entretien avec Christian Couturier, directeur de Solagro.

Quel est le potentiel de la biomasse pour la transition énergétique ?

Christian Couturier : La biomasse provient de l’agriculture, de la forêt et des déchets. Son utilisation pour produire de l’énergie ne doit pas entrer en concurrence avec d’autres usages comme l’alimentation ou la production de matériaux.

Pour notre étude, nous avons dressé l’inventaire, sous forme de fiches, de 14 formes de biomasse (résidus de culture, effluents d’élevage, déchets de bois…) et 12 types de valorisation actuelles ou envisagées (méthanisation, combustion, méthanation…) qui transforment cette biomasse en énergie : électricité, gaz, chaleur, biocarburants… et examiné leur performance comme leurs impacts.

Nous avons évalué à 100 millions de tonnes de matières sèches par an le potentiel total de biomasse mobilisable durablement en 2050 pour la production d’énergie. Cela représente environ 340 TWh, porté principalement par la combustion (pour la production de chaleur ou d’électricité par cogénération) et la méthanisation, qui outre la production de gaz et la cogénération d’électricité, assure un retour au sol de la matière organique et des nutriments.

« L’utilisation de la biomasse pour produire de l’énergie ne doit pas entrer en concurrence avec d’autres usages. »

Christien CouturierDirecteur de Solagro

Comment mobiliser la biomasse en prenant en compte la raréfaction des ressources et l’impact sur la biodiversité ?

C. C. : D’abord en recourant en amont à des systèmes de production agroécologiques. Ensuite, en vérifiant, pour chaque production énergétique à partir de biomasse, que cette utilisation vient bien en plus et non à la place : on ne fait pas de l’élevage pour faire du biogaz, on ne plante pas des arbres pour les brûler. En revanche, utiliser le bois issu de la taille des haies dans une filière bois énergie, ou valoriser des cultures intermédiaires en méthanisation est une solution qui procure un double dividende : un impact favorable sur la biodiversité et les écosystèmes et une production d’énergie renouvelable.

Comment les territoires peuvent-ils mieux intégrer la biomasse dans leur transition énergétique ?

C.C : La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 a abouti à l’élaboration d’une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse, qui prévoit que chaque région élabore un schéma régional biomasse pour dresser un état des lieux des ressources. Des « cellules biomasse régionales » réunissent des représentants des Directions régionales de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, des Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement et de l’ADEME pour planifier l’utilisation des ressources afin d’éviter les conflits d’usage. Mais tous ces outils de planification sont sous-utilisés, les informations sont parcellaires et pas actualisées. La 3ème Stratégie Nationale Bas Carbone qui prévoit d’ici 2035 de doubler la production de chaleur renouvelable et de multiplier par cinq la production de biogaz offre l’occasion de redynamiser ces outils.