Comment rendre la rénovation énergétique incontournable ?
Mais où est passé le BBC ? Pour faire face à la crise énergétique, cette norme garantissant l’excellente performance énergétique du logement inscrite dans la Loi de transition énergétique pour la croissance verte doit gagner du terrain. À commencer dans la tête des Françaises et des Français.
En fixant un seuil de consommation énergétique à ne pas dépasser, les rénovations performantes – compatibles avec le label BBC – permettent de limiter les émissions de gaz à effet de serre du logement et assurent une bonne qualité de vie et un confort à ses habitants. Des candidats à l’élection présidentielle au Haut-Conseil pour le climat, en passant par l’ADEME… les avis convergent en France en leur faveur. “Les décideurs appellent aujourd’hui de leurs vœux la rénovation basse consommation (BBC), confirme Sébastien Delpont, directeur de GreenFlex, cabinet de conseil en transformation énergétique et environnementale. Ce n’était pas le cas par le passé… Mais il ne suffit pas d’incanter un objectif de 500 000 rénovations par an pour que ce vœu se réalise », détaille-t-il.
Sortir du débart d’experts
Qu’est-ce qu’un logement performant (BBC) ? Comment y parvenir, par étapes ou grâce à une rénovation globale ? Quelles solutions techniques mettre en œuvre ? “Les querelles de chapelle sur la qualité des travaux ont trop duré, maintenant il faut passer à l’étape quantitative, chiffrer les progrès, planifier. Ma-ssi-fier”, s’impatiente Sébastien Delpont.
Comme le démontre la création en février 2022 du collectif Dernière rénovation, un nombre grandissant de citoyennes et de citoyens se saisit de cette thématique “qui ne doit pas être cantonnée aux experts techniques”. Bertrand en fait partie et revendique aujourd’hui le droit pour tous à un logement énergétiquement performant en menant des actions de désobéissance civile : “Pendant longtemps, les gouvernements n’ont rien fait et le sujet était invisible dans les médias. Nous avons perdu beaucoup de temps”, constate le jeune homme. Aujourd’hui, face à l’augmentation du prix de l’énergie, les rénovations performantes représentent pourtant une solution concrète : “Beaucoup de gens sont volontaires pour rénover leur logement avec les meilleurs niveaux de performance énergétique ! Mais les aides mises en place ne permettent pas de le faire…”
Faire évoluer les représentations
Des contre-performances ont même terni la réputation de la rénovation énergétique en général. “L’éco-délinquance a fait des ravages, et j’ai aujourd’hui des réticences à encourager les lecteurs à se lancer dans un tel chantier, quand on voit le nombre de personnes qui se sont faites arnaquées ! Sans parler des locataires qui ne sont même pas concernés par le sujet…”, explique Anne-Claire Poirier, journaliste spécialiste de la transition énergétique pour Vert, un média en ligne consacré à l’écologie. “Nous voulons faire un journalisme des solutions, précise-t-elle. Mais ce n’est pas facile de promouvoir MaPrimeRénov’ lorsque le dispositif met tant de temps à se mettre en place et, dans certains cas, occasionne des retards de paiement très difficiles à vivre pour les plus précaires.”
En 2022, Vert a initié la rédaction d’une Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique. Ses 500 signataires s’engagent à modifier leur façon de travailler pour intégrer pleinement l’enjeu du réchauffement : “Les journalistes ne traitent pas toujours très bien la rénovation énergétique. Ils doivent faire un effort et mettre à jour leur logiciel, poursuit Anne-Claire Poirier. Nous avons l’habitude de traiter de productivité, moins de sobriété. L’énergie qu’on ne consomme pas est encore un angle en devenir. Par ailleurs, il serait intéressant que la rénovation soit discutée de façon transversale dans les rédactions car cette thématique est multidimensionnelle !”
Communiquer sur les bénéfices multiples du BBC
Social, climat, immobilier, santé, économie… Les multiples enjeux liés à la rénovation performante et à l’atteinte des niveaux BBC n’ont pas échappé à Bertrand de Dernière Rénovation dont les actions coup de poing visent justement à attirer l’attention médiatique : “La rénovation est avantageuse pour tout le monde : elle améliore le pouvoir d’achat et le confort des gens, réduit le coût social de la précarité énergétique, les émissions de CO2… C’est une demande potentiellement populaire. Il faut créer le rapport de forces pour remporter une victoire législative !”, lance le militant.
À l’Assemblée nationale, Stéphane Delautrette, député socialiste de Haute-Vienne, cherche également à rallier le plus grand nombre autour d’une proposition de Prime pour le climat qui vise à massifier la rénovation énergétique basse consommation du parc de logements privés . “Nous voulons accélérer le mouvement en facilitant le financement des travaux.”, précise-t-il. Déjà portée en 2020 par le groupe socialiste, cette proposition est toujours d’actualité, malgré le lancement de France Rénov’ début 2022. “Je ne suis pas certain que le gouvernement ait bien mesuré ce qu’est une rénovation performante, juge Stéphane Delautrette. Grâce à MaPrimeRénov’, les opérations menées ont essentiellement consisté à changer de chaudière. Malheureusement, c’est insuffisant pour prendre en compte l’efficacité énergétique du bâti et encourager l’approche globale d’un chantier.”
Un marathon énergétique
A la veille d’un hiver difficile, et face à la menace d’une crise énergétique, c’est le moment où jamais de remettre le sujet sur la table des négociations, indique l’élu de terrain : “L’opinion publique a bien saisi l’enjeu actuel de souveraineté énergétique. Les collectivités locales aussi ! Mais il faut accompagner cette prise de conscience et le changement de comportements avec les dispositifs adéquats “.
Pourtant, la question du financement des travaux, si elle est essentielle, n’est pas la seule révolution à mener pour déclencher les rénovations énergétiques en France. “Mettre de l’essence dans une voiture qui n’a pas de moteur, ça ne fait pas avancer plus vite”, conclut Sébastien Delpont. “On attend des pouvoirs publics qu’ils fassent bouger simultanément les marchés de l’offre et de la demande. Qu’ils osent y mettre des moyens conséquents et structurer une vraie filière industrielle… C’est un véritable marathon énergétique ”
“L’opinion publique a bien saisi l’enjeu actuel de souveraineté énergétique. Mais il faut accompagner cette prise de conscience et le changement de comportements avec les dispositifs adéquats “.Lire la revue de Notre énergie sur le sujet