Soutien au photovoltaïque : ne pas reproduire les erreurs du passé
À l’occasion du projet de loi de finances 2021, le gouvernement a déposé un amendement visant à renégocier les conditions des contrats d'achats d’électricité solaire signés entre 2006 et 2010. Dénonçant la gestion erratique du développement de la filière par l'État qui impose aujourd’hui une refonte du système, le CLER-Réseau pour la transition énergétique appelle le gouvernement à la prudence, en privilégiant les renégociations concertées et progressives.
Pas moins de 800 installations solaires photovoltaïques sont concernées par la renégociation des aides. L’objectif affiché du gouvernement est de réaliser des économies en évitant “des rentes indues”. L’enjeu financier, environ 750 millions d’euros d’économies annuelles sur les 10 prochaines années, est à mettre en perspective avec le montant annuel du soutien aux énergies renouvelables électriques en France métropolitaine (de 613 millions à 5 milliards d’euros entre 2009 et 2019). “Il est aussi à relativiser en considérant que les énergies fossiles utilisées sur l’ensemble des îles françaises non-interconnectées coûtent à la collectivité environ 1,5 milliard d’euros chaque année”, précise Alexis Monteil, responsable de projets énergies renouvelables au CLER-Réseau pour la transition énergétique.
Pour la filière solaire photovoltaïque, les contrats sont à distinguer selon leur date de signature. D’un côté, les contrats signés avant décembre 2010, conclus pour 20 ans et basés sur un tarif notoirement trop élevé (500 €/MWh) – qui ont conduit à la création d’une bulle spéculative. De l’autre, les contrats signés à partir de mars 2011, après le moratoire, nettement moins onéreux avec un soutien de 81 et 91 €/MWh.
Une gestion erratique pointée du doigt
Alors que le gouvernement s’émeut, à juste titre, de la “forte rentabilité” des contrats pré-moratoire, il convient toutefois de rappeler comment la France en est arrivée là.
Dérogatoires au droit européen de la concurrence, les tarifs d’achat ont pour but d’assurer une « juste rémunération des investissements », au sens de suffisante mais non excessive, au sein des différentes filières renouvelables émergentes. L’enjeu : leur permettre de suivre une courbe d’apprentissage progressive pour atteindre la compétitivité vis-à-vis des filières existantes, fossiles et nucléaires. C’est précisément grâce à ce dispositif, financé principalement depuis une vingtaine d’années par les consommateurs d’électricité allemands, que l’éolien et plus spectaculairement encore le photovoltaïque, ont dépassé leurs objectifs de compétitivité à une vitesse déconcertante.
“Alors qu’elle figurait parmi les premiers pays à mettre en place les tarifs d’achat, la France n’a pas su ou pas voulu anticiper la baisse rapide des coûts du photovoltaïque que l’industrie se disait prête à réaliser en contrepartie de ce soutien public significatif”, explique Alexis Monteil. En témoignent non seulement le niveau notoirement trop élevé des tarifs dit « d’intégration au bâti » mis en place en 2006 à 550 €/MWh et l’absence de leur notification à la Commission européenne, mais surtout l’indexation à la hausse de ces tarifs, tant à l’intérieur des contrats signés que pour les nouveaux contrats. Une situation dénoncée à l’époque par le CLER-Réseau pour la transition énergétique – la filière enregistrant une baisse moyenne de ses coûts de production de l’ordre de 10% par an depuis une trentaine d’années.
Méconnaissance ou volonté de dénigrer la filière ? Toujours est-il que c’est bien cet aveuglement de l’État, auquel s’est ajoutée l’attraction exercée par des taux de rentabilité à deux chiffres, qui a entraîné le moratoire de fin 2010.
“ Les opérateurs les plus honnêtes et les plus motivés ont été frappés par ce choc du moratoire, avec à la clé la suppression de plus de 15 000 emplois entre 2011 et 2013. Sans compter une charge financière exorbitante dont l’État voudrait maintenant se débarrasser, alors même que c’est sa propre gestion erratique du dispositif qui est à l’origine du problème”, déplore le responsable de projets.
Des inquiétudes cristallisées
10 ans plus tard, la France continue, chaque mois, de s’éloigner de la trajectoire nécessaire à l’atteinte de ses propres objectifs en matière d’énergies renouvelables. Pour la filière photovoltaïque, la puissance installée plafonne à 1 GW par an aujourd’hui alors qu’il en faudrait entre 3 et 4 pour respecter la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) adoptée début 2020. “ Dans ce contexte, il est à craindre que la renégociation à marche forcée des contrats solaire pré-2011 soit à la fois très dommageable pour le développement de la filière et contraire à l’intérêt général, commente Alexis Monteil. En tout état de cause, elle ne participera pas à remettre le pays sur les bons rails. L’exemple du gouvernement espagnol, qui en 2008 a décidé de créer unilatéralement une taxe élevée sur les recettes et a littéralement tué la filière solaire photovoltaïque, fait d’ailleurs figure de contre-exemple !”
Pour le CLER-Réseau pour la transition énergétique, la France doit absolument s’interdire d’ajouter de la confusion en créant de nouvelles entraves au développement de la filière solaire photovoltaïque. Dans cette perspective, c’est la prudence qui doit guider toute mesure relative aux mécanismes de soutien, qui ne peut être que négociée et progressive. Pour autant, rien n’empêche les détenteurs des 800 contrats concernés de se sentir redevables d’une dette non seulement envers les contribuables français mais surtout envers une technologie si prometteuse dont ils ont, consciemment ou non, retardé le déploiement, contribuant à la discréditer dans l’esprit des Français. Ils pourraient par exemple exiger un engagement ferme et des mesures fortes en faveur de l’accélération du développement de la filière, en contrepartie de l’acceptation d’une modification de leur contrat entraînant une limitation de leurs recettes.
Un développement ambitieux et équilibré du solaire photovoltaïque sur l’ensemble du territoire exige de l’État une capacité de pilotage fin pour permettre aux entreprises d’adapter leur stratégie sur la base d’une vision de moyen terme et à la France d’atteindre les objectifs énergie-climat fixés, à coût maîtrisé pour les finances publiques.
« Il est à craindre que la renégociation à marche forcée des contrats solaire pré-2011 soit à la fois très dommageable pour le développement de la filière et contraire à l’intérêt général. »
Alexis Monteil
Responsable de projets énergies renouvelables
alexis.monteil[arobase]cler.org