A Paris, un ancien hôpital devient éco-quartier

Sobre, inclusif, mixte, performant énergétiquement… le futur quartier de Saint-Vincent-de-Paul, qui devrait voir le jour en 2023, se veut un démonstrateur d’excellence sur les questions de transitions.

De nombreux Parisiens sont nés ici, à proximité de la Fondation Cartier, entre l’avenue Denfert-Rochereau et le boulevard Raspail. Créé en 1638, l’ancien hospice des Enfants-assistés, renommé ensuite Saint-Vincent-de-Paul était l’un des plus importants hôpitaux pour enfants de France jusqu’en 2010-2011, années de sa fermeture. Pour ne pas laisser cet immense espace – 3,4 hectares – et ses multiples bâtiments vides, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, propriétaire, le met en 2012 à disposition d’Aurore, spécialisée dans l’hébergement social et d’urgence pour les personnes sans-abri, les familles en situation d’extrême précarité, les migrants, les femmes isolées…

D’autres structures – Plateau urbain et Yes We Camp – sont très vite arrivées pour mettre en place les « Grands voisins », un projet solidaire, participatif et culturel. Elles occupent les lieux en faisant cohabiter différentes fonctions, en créant des espaces communs, en développant l’économie sociale et solidaire, avec toujours en ligne de mire l’objectif de favoriser l’insertion et la mixité sociale. Puis, en 2015, la mairie de Paris est devenue propriétaire du site.

Réécrire, dans cet espace, une histoire de la ville en innovant et inventant quelque chose de différent

« Quand l’hôpital a fermé, il y a eu une forte mobilisation. C’était un lieu important, identitaire, de ce XIVe arrondissement. Il fallait donc penser à l’après. L’idée principale qui a émergé ? Réécrire, dans cet espace, une histoire de la ville en innovant et inventant quelque chose de différent », souligne Célia Blauel, adjointe à la maire de Paris chargée des questions relatives à la transition écologique, au climat, à l’environnement, à l’eau et à l’assainissement. L’ambition ? Un quartier durable, sobre, économe en énergies, inclusif et respectueux de l’histoire et du patrimoine. Ce que souhaite alors la Ville pour ce futur éco-quartier, c’est laisser une grande place à l’initiative citoyenne et à la concertation. « Sortir de la culture classique d’aménagement, en capitalisant aussi sur cet urbanisme temporaire », résume Célia Blauel. Les différents projets des Grands voisins, qui ont tous rencontré un succès important, sont une préfiguration de ce à quoi devrait ressembler le quartier.

Démonstrateur d’excellence

En 2016, l’aménagement du site est concédé à Paris métropole aménagement (P&Ma). Au programme du projet, conçu par l’agence Anyoji-Beltrando : 60 875 m² de surfaces, dont 43 140 m² seront consacrées au logement (600 en tout, dont la moitié de logements sociaux), divers équipements publics (crèche, école, gymnase), des espaces verts, des activités et commerces…
Des dispositifs collaboratifs ont été menés à différents niveaux. Les futurs habitants – du parc privé mais aussi des logements sociaux – et usagers ont été et seront invités (via des ateliers, des balades urbaines, des réunions…) à s’exprimer sur la façon dont ils envisagent ce nouveau quartier. « Nous avons aussi fait travailler ensemble les services des affaires scolaires, de la petite enfance et du sport pour pouvoir définir des espaces à mutualiser entre les équipements publics, afin que les bâtiments soient ouverts à tous pour des cours, des fêtes ou autres, les heures où il n’y pas école, pas d’accueil de bébés à la crèche… », explique Corinne Martin, directrice de la communication de P&Ma.
La singularité de ce futur quartier réside aussi bien sûr dans ses objectifs environnementaux très ambitieux. « Zéro carbone, zéro déchet, zéro rejet. » « Ils reprennent les différents documents cadres de la Ville de Paris : le Plan climat bien sûr, le Plan biodiversité, mais aussi la Stratégie de résilience et d’autres, énumère François Hôte, adjoint au service de l’aménagement de la Ville. L’idée est d’en faire un démonstrateur d’excellence. »

La singularité de ce futur quartier réside aussi bien sûr dans ses objectifs environnementaux très ambitieux. « Zéro carbone, zéro déchet, zéro rejet. »

Urbanisme de la sobriété

Cet « urbanisme de la sobriété » se traduit en premier lieu par le fait de réutiliser une partie des bâtiments existants – 60 % dans ce cas – quand, aujourd’hui, souvent, les projets ont tendance à vouloir démolir pour reconstruire. « Il est plus difficile d’être performant énergétiquement avec de la rénovation mais nous avons ici pris en compte, au-delà des questions purement énergétiques, le bilan carbone, l’économie circulaire, l’analyse du cycle de vie… » Concrètement, les matériaux issus des locaux déconstruits seront valorisés, soit sur place, soit ailleurs. « Un assistant maître d’ouvrage (AMO) réemploi a ainsi été sélectionné, notamment pour toutes les questions réglementaires qui vont se poser. L’objectif est de valoriser 90 % des matières issues des déconstructions, réhabilitations et constructions », détaille Ghislain Mercier, responsable ville durable et nouveaux services chez P&Ma.
Concernant les performances énergétiques, le niveau de référence sera celui du label allemand « Passivhaus ». Un réseau de chaleur innovant va aussi être mis en place, en valorisant le réseau parisien d’eau non potable. « L’eau de Seine, utilisée à Paris pour l’arrosage des espaces verts et le nettoyage des rues, est à une température de 12°C en moyenne. Grâce à une pompes à chaleur, on peut récupérer ces calories perdues et approvisionner une partie du quartier en chaleur renouvelables », poursuit Ghislain Mercier. Par ailleurs, des panneaux photovoltaïques seront installés.
Enfin, cet éco-quartier s’inscrira dans le Plan pluie de Paris. « Concrètement, on évitera de déverser les eaux de pluies dans le réseau d’assainissement, où elles sont mélangées avec les eaux usées, ce qui pose problème en cas de gros orage. Ici, les pluies seront retenues grâce aux techniques alternatives, dont les toitures végétalisées, les noues plantées, les revêtements de surfaces perméables et le recyclage d’eau de pluie pour les toilettes », développe Ghislain Mercier. L’une des expériences très innovantes de ce projet, c’est aussi d’expérimenter la collecte séparative des urines – un AMO « urine » a même été sélectionné ! – et de créer, à terme, une filière locale de transformation en engrais.
Pour l’heure, les travaux de déconstruction sont en cours et le quartier devrait être livré fin 2023.

Publication

Cet article est extrait de la revue Notre énergie n°124 – Territoires en transition : à aménager et à ménager

Pour réussir, la transition énergétique suppose de transformer notre vision du monde et des espaces qui nous entourent, afin de puiser dans les excès de notre société de consommation des
leviers efficaces d’économies d’énergie, et transformer les ressources naturelles et renouvelables en énergie. Ainsi, sous le prisme de l’énergie, les territoires et les acteurs qui les animent réinterrogent leurs espaces de vie, leurs patrimoines paysagers et architecturaux. Les projets de planification ou d’aménagement conduisent à leur réappropriation collective. L’implication de tous apparaît comme la clé de voûte des initiatives partagées dans ce numéro de Notre Énergie.

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