We the Power : témoignage d’un nouveau modèle énergétique durable
Avec son documentaire « We the Power », le réalisateur américain David Garrett Byars raconte comment le mouvement des coopératives citoyennes d’énergie renouvelable à travers l’Europe participe à l’émergence d’un nouveau modèle énergétique plus durable. Entretien.
Qu’est-ce qui vous a amené à réaliser des documentaires environnementaux ?
D.G.B : J’ai appris le montage, le cadrage, la réalisation sur le tas, en commençant par travailler à des fonctions administratives et logistiques pour le festival Mountain Film, à Telluride, dans le Colorado. Je me retrouve largement dans les valeurs que promeut ce festival comme le multiculturalisme ou la préservation de l’environnement. Ma rencontre avec la réalisatrice Suzan Beraza a été déterminante, et elle m’a encouragé à brûler les étapes pour passer à la réalisation.
Sur quoi portent vos films ?
D.G.B : Mon premier film, No Man’s Land traitait de l’occupation d’un parc national par une milice armée aux revendications un peu confuses, le second, Public Trust, élargissait le spectre et d’une certaine manière renversait la perspective en montrant comment la gestion ou la privatisation de l’espace public en particulier pour l’exploitation minière se faisait au détriment des communautés autochtones. Ce film était produit par Patagonia films qui m’a proposé de travailler sur We the power, et la manière dont les citoyens européens, grâce aux coopératives d’énergies renouvelables, se réapproprient leur système énergétique.
Vous considérez-vous comme un activiste ou un réalisateur engagé ?
D.G.B : Si un activiste est quelqu’un qui utilise un sac réutilisable pour faire ses courses, alors je suis sans doute un activiste. Plus sérieusement, avec mes documentaires, j’essaie de faire en sorte que l’histoire que je raconte, la réalité que je donne à voir, soit au service d’une cause plus large : qu’il s’agisse de la gestion du domaine public et des espaces naturels aux États-Unis, ou de la production décentralisée d’énergie en Europe. Je ne prétends pas à l’objectivité, et ma sensibilité transparaît nécessairement dans mes films. Je cherche à montrer la vérité, et je pense que cela peut contribuer à changer les choses.
Quel est le message de We the Power ?
D.G.B : En définitive, le même message se retrouve dans tous mes documentaires. Tous traitent du pouvoir des citoyens quand ils décident de réclamer ce qui est à eux, qu’il s’agisse de territoire, d’eau, d’énergie. C’est lorsque nous nous unissons que nous réalisons l’étendue de ce pouvoir. Dans We the Power, des citoyens d’Allemagne, d’Angleterre, d’Espagne, dans des contextes économiques et politiques différents, mènent le même combat pour reprendre le contrôle de leur système énergétique, et ce qui est fantastique c’est que David gagne contre Goliath, que les petites coopératives parviennent à tenir tête aux gros monopoles.
Pourquoi ce combat vous semble-t-il important ?
D.G.B : Pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables, il est indispensable de s’appuyer sur des productions qui appartiennent aux consommateurs d’énergie eux-mêmes. On le voit dans le documentaire : personne ne veut d’éolienne chez lui, sauf si c’est la sienne. On pourrait dire la même chose des fermes photovoltaïques. Les communautés doivent être propriétaires des moyens de production ne serait-ce que pour les accepter. Mais les bénéfices vont bien au-delà. Quand des citoyens travaillent ensemble à un projet d’énergie renouvelable, les liens se resserrent, la communauté gagne en solidarité en même temps qu’elle gagne en résilience. Elle devient maître de son destin. Et en plus, ce qui est bon pour la communauté est bon pour la planète !
Pourquoi avez-vous témoigné de cette dynamique à l’échelle européenne ?
Au-delà des effets bénéfiques évidents au niveau local, j’ai aussi voulu montrer que le combat mené par les petites coopératives citoyennes d’énergie renouvelable se situait dans un cadre plus vaste. L’adoption par l’Union Européenne du « Paquet Énergie Propre » en 2019 est un aboutissement, qui met les citoyens au cœur du système énergétique, leur permettant d’être des acteurs et non plus de simples consommateurs. Il faut maintenant rester vigilant sur la mise en œuvre de ce texte dans les 27 États membres… mais je sais que les citoyens resteront mobilisés et veilleront au grain.