Transition énergétique : les femmes ont une carte à jouer

Sandrine Buresi, directrice de l'association GEFOSAT, spécialisée sur la lutte contre la précarité énergétique et Marie-Laure Lamy, directrice d'ALOEN, l'agence locale de l'énergie de Bretagne Sud sont toutes deux co-présidentes du CLER-Réseau pour la transition énergétique. Selon elles, la parité est au cœur du pacte de réussite de la transition énergétique. Interview croisée.

« Sans intelligence collective, et sans parité, on n’avancera pas ! »

Quelles évolutions relatives à la place des femmes avez-vous constaté dans votre parcours professionnel ?

Sandrine : Il y a 30 ans, dans le petit monde de la transition énergétique, les femmes occupaient principalement des postes de secrétaires, de comptables, de gestionnaires, et plus rarement des postes de direction. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il n’y a qu’à regarder au sein du comité d’administration du CLER-Réseau pour la transition énergétique ! La parité est presque parfaite, sans même l’avoir recherchée. C’est la même chose lors de colloques ou de séminaires :  les femmes sont désormais plus représentées, même si cela reste compliqué d’atteindre la parité.

Marie-Laure : à l’époque où je terminais ma thèse sur les énergies renouvelables début des années
2 000, j’ai travaillé au sein d’un laboratoire de recherches. C’était un univers très masculin, et je sentais qu’on ne me prenait pas tellement au sérieux. En tant que femme, qui plus est jeune, je n’étais pas crédible. Plus tard, quand j’exerçais dans un bureau d’études, j’ai rencontré des difficultés à identifier des intervenantes pour participer à des table-rondes constituées d’élus ou d’experts. J’ai l’impression que cela a beaucoup évolué depuis cette époque, même si il y a encore des disparités. Les femmes occupent par exemple davantage de postes à responsabilité dans des associations comme dans des collectivités.

Quels sont les blocages constatés ?

Sandrine :  Les femmes souffrent d’une image de non-technicienne. C’est un stéréotype qui leur colle à la peau. De nombreuses jeunes filles ne se lancent pas dans certaines filières en se figurant que ce n’est pas pour elles. Elles s’auto-censurent. C’est pourquoi il est important de véhiculer un message d’ouverture dès l’école et les cursus de formation. Pour se lancer dans un métier, une filière, on a besoin de modèles. J’ai remarqué aussi que les artisans accordaient souvent moins de crédit à une femme qu’à un homme. Comme si, en définitive, elles étaient moins légitimes.

Marie-Laure : plus que les hommes, les femmes souffrent de problèmes de confiance en elles. Plus jeune, je manquais d’assurance mais j’ai eu un déclic en entendant mon directeur de thèse pointer cette fragilité et je me suis autorisée à me lancer. Évidemment que je n’étais pas moins légitime qu’un homme ! Depuis, cette énergie positive ne m’a plus quittée.

 

« Collectivement, nous devons réfléchir à comment la transition énergétique peut être plus égalitaire et solidaire »

Sans tomber dans des stéréotypes, en quoi la mixité est elle une chance dans ce secteur ?

Sandrine : c’est peut-être une banalité mais les hommes et les femmes se complètent, c’est même la condition sine qua none de notre vie en société.  Même si je ne crois pas aux déterminismes féminins, nous sommes tous le produit d’une histoire. Il nous faut donc décloisonner les études et les formations pour rencontrer autant de candidats que de candidates dans les recrutements. Cette question de la mixité va de pair avec celle des salaires. Plus une profession se féminise, plus elle se déconsidère en terme salarial, c’est prouvé ! Or la mixité, peu importe la structure, fait évoluer la société et bouger les lignes en posant les questions de la maternité, la paternité, l’égalité salariale, etc. En dégageant plus de temps pour les pères, et en tendant vers une forme d’exemplarité, la société progresse.

Marie-Laure : la mixité est enrichissante, elle apporte un équilibre relationnel dans une structure. Bien sûr, on est encore aujourd’hui le produit d’une éducation genrée qui nous formate dans nos comportements. Malgré tout, il y a une évolution positive de l’affirmation de la femme. Pour continuer dans cette voie, Il faut ouvrir les formations aux femmes.

 

Est-ce en résonance avec les valeurs de la transition énergétique ?

Sandrine : je fais un lien très direct entre ma vision de la transition énergétique et celle de l’égalité femmes-hommes. La question de l’égalité en général est au coeur de celle de l’accès à l’énergie avec la lutte contre la précarité énergétique. Mais ce n’est pas une vision partagée par l’ensemble de la société. On peut rencontrer des personnes qui oeuvrent pour la transition énergétique mais qui défendent encore une vision très patriarcale de l’organisation du travail. Nous ne pourrons faire l’économie d’une réflexion sur les inégalités d’accès à nos métiers, dans nos structures et dans nos réseaux. Et ceci ne concerne d’ailleurs pas que la place des femmes…
Marie-Laure : sans évolution de la gouvernance vers la parité, il n’y aura pas de transition énergétique. Sans intelligence collective, comprenant la parité, on n’avancera pas ! C’est un défi de plus à relever pour réussir la transition énergétique. La transition énergétique est créatrice d’activités, et cela va encore s’accroître à l’avenir dans les métiers du bâtiment. Ce serait vraiment dommageable si les femmes ne saisissaient pas cette opportunité !

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