Rénovation énergétique : une vision stratégique qui fait cruellement défaut et des choix méthodologiques contestables

Le gouvernement français s’apprête à remettre à la Commission Européenne au printemps 2020 sa stratégie de long terme pour la rénovation énergétique, conformément aux prescriptions de l’article 2 bis de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments révisée le 30 mai 2018. Dans le cadre de la consultation publique en cours jusqu’au 10 mars 2020, le CLER - Réseau pour la Transition Énergétique a présenté et partagé sa contribution auprès du Conseil National de la Transition Écologique (CNTE) et du Conseil Supérieur de la Construction et de l’Efficacité Énergétique (CSCEE), et insiste sur le manque de vision stratégique et politique de la France en matière de rénovation énergétique des bâtiments et sur l’irrecevabilité des choix méthodologiques de comptabilisation des rénovations.

La France a besoin d’une politique globale, cohérente, structurée et articulée de la rénovation énergétique.

Lien vers la consultation en cours.

La France accuse un retard toujours plus important sur la trajectoire d’économies d’énergie fixée par la Loi de transition énergétique et vis-à-vis du cadre européen en vigueur. Le budget carbone du secteur bâtiment a par exemple été dépassé de près de 15% en 2018 ! Si la France souhaite respecter ses objectifs d’économies d’énergie de long terme, la clé réside dans la mise en place de politiques publiques ambitieuses et d’une offre de financements à la hauteur des enjeux.
Sur le “projet de stratégie à long terme pour mobiliser les investissements dans la rénovation du parc national de bâtiments à usage résidentiel et commercial public et privé”, le CLER a procédé à une analyse des parties consacrées à la rénovation des logements et a identifié plusieurs points d’alerte listés dans sa note d’analyse accessible en ligne, et dont voici les grandes lignes ci-dessous :

Un manque d’analyse stratégique et de perspectives concrètes

En premier lieu, c’est surtout le manque de cohérence et de prospective de la stratégie de long terme pour atteindre les objectifs nationaux qui interpelle le CLER. “L’écart entre les résultats et les objectifs est considérable. Pourtant, cette “stratégie” n’envisage aucune nouvelle mesure pour atteindre les objectifs nationaux, et ne contient pas d’analyse ni de prospective sur les mesures supplémentaires à mettre en place”, déplore Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER. La qualité du travail de recensement des actions menées n’est pas remise en cause, mais l’addition de ces mesures ne forme pas une vision stratégique et ne permet pas de mettre les résultats constatés et attendus en regard des objectifs envisagés.

Des choix méthodologiques contestables

S’ajoute à cela, la partie la plus contestable du projet stratégique, à savoir des choix méthodologiques qui modifient les définitions et les indicateurs de suivi, en changeant notamment la définition des rénovations performantes. “Changer la manière dont on qualifie et on compte les choses pour gonfler artificiellement les chiffres ne permet malheureusement pas de réduire la réalité des factures d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre. La stratégie de rénovation énergétique mérite mieux qu’un tour de passe-passe inacceptable”, ajoute Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER.

Le CLER demande notamment que la définition des “bâtiments à consommation énergétique excessive” prévue par ordonnance dans la Loi énergie-climat adoptée en 2019 respecte les objectifs et l’esprit de la Loi, notamment pour aller vers l’éradication urgente des passoires énergétiques (étiquettes énergie F et G actuelles – voir notre note de contribution à la consultation).

Vers une atteinte réelle des objectifs et une politique de rénovation énergétique globale

Partant de ces constats, le CLER rappelle la nécessité de mettre en place une politique de rénovation énergétique globale – au-delà d’une revue des actions existantes -, et propose des pistes stratégiques, se projetant vers l’atteinte réelle des objectifs, avec :

  • Une trajectoire claire et assumée politiquement jusqu’au bout
  • Une réglementation forte pour garantir un droit effectif pour tous à un logement à la facture énergétique abordable
  • Des outils de financement adaptés, accessibles et efficaces
  • Des aides recentrées pour les ménages et les propriétaires bailleurs a priori non solvables et calibrées en fonction de la performance atteinte en termes d’économies d’énergie afin d’améliorer leur lisibilité et leur efficacité
  • Des outils de déploiement opérationnels au plus près des territoires et notamment un Service Public de la Performance Energétique de l’Habitat ambitieux pour l’accompagnement des ménages et des professionnel

La France a besoin d’une politique globale, cohérente, structurée et articulée de la rénovation énergétique.

Publication

Note d’analyse et de contribution au projet de stratégie de long-terme de la rénovation énergétique de la France

Le CLER présente sa contribution au “projet de stratégie à long terme pour mobiliser les investissements dans la rénovation du parc national de bâtiments à usage résidentiel et commercial public et privé”, élaborée conformément aux prescriptions de l’article 2 bis de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments révisée le 30 mai 2018.

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Définition des « logements à consommation énergétique excessive »

Réponse à l’appel à contributions écrites

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Contact

Etienne Charbit

Responsable de projets Efficacité énergétique

etienne.charbit[arobase]cler.org