Pourquoi l’éolien terrestre patine ?

En France, le développement de l’éolien terrestre semble au point mort. Entre blocages administratifs, restrictions militaires et manque de soutien politique, le secteur peine à trouver son souffle dans un contexte pourtant critique pour la transition énergétique.

En France, comme partout ailleurs, le développement de projets d’énergies renouvelables suppose de prendre en compte plusieurs aspects territoriaux, à commencer par le respect de la biodiversité comme du patrimoine, et la proximité avec les sites particuliers, militaires notamment. Mais, sur ce terrain, notre pays se distingue de ses voisins par des procédures administratives lourdes et complexes, aux règles et critères peu clairs, trop souvent soumis à interprétation.

Une réglementation contraignante

Depuis plusieurs années, le développeur de projets éoliens Éolise en fait l’amère expérience. « La cohabitation avec les radars militaires est devenue un véritable défi pour nos activités », résume Baptiste Wambre, responsable du développement d’Éolise. En 2015, la  loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoyait un décret pour éclaircir les règles de cohabitations entre éoliennes et radars, mais ce décret n’a jamais vu le jour. Pire, les distances minimales imposées par l’armée n’ont cessé de grandir ».
Ainsi, alors qu’une première instruction de 2018 bloquait de facto tous les projets situés à moins de 30 km des radars, un second texte de 2021 a étendu le rayon interdit à 70 km. Dans le même temps, le projet DEMPERE censé accoucher d’un outil permettant d’évaluer les perturbations causées par les éoliennes pour des arbitrages au cas par cas, s’enlisait, au point d’être finalement abandonné par le ministère des Armées. « En 2022, nouvelle instruction, qui abroge les deux précédentes mais sans fixer de nouvelles règles, poursuit Baptiste Wambre. Depuis, les opérateurs constatent que l’armée continue à faire obstacle aux projets situés dans la zone des 70 km, les privant ainsi de 60% du territoire national. » 

Une absence de portage politique

« La question des radars militaires est particulièrement problématique mais elle est aussi révélatrice d’un mal français profond concernant le développement des énergies renouvelables », estime Marc Jedliczka, co-président du réseau Cler. « Force est de constater qu’en dépit des engagements, l’État agit comme s’il ne croyait pas réellement aux énergies renouvelables et encore moins à l’éolien terrestre.  En l’espèce, l’objectif de doublement fixé à l’éolien terrestre de 2022 à 2035 paraît inatteignable, au risque de peser sur la sécurité d’approvisionnement comme le reconnaît RTE ».

 

« L’État agit comme s’il ne croyait pas réellement aux énergies renouvelables et encore moins à l’éolien terrestre. « 

Marc Jedliczkaco-président du réseau Cler

Rattraper le retard français

Aujourd’hui, le réseau Cler, mais aussi le Réseau Action Climat, Enercoop ou Énergie partagée et de nombreux autres acteurs des territoires et des énergies renouvelables appellent l’État à rompre avec son inaction. La situation pourrait être sur le point d’évoluer : en novembre dernier, le Conseil d’État a enjoint le gouvernement à clarifier et simplifier les règles encadrant le développement des énergies renouvelables, faisant suite à une saisine d’Éolise. Reste à voir comment cela sera suivi d’effets…  Sans attendre la réaction de l’État, le réseau Cler et l’Association des Maires ruraux de France ont engagé la réalisation d’une plateforme web, qui sera destinée en priorité aux élus et des territoires ruraux et aux habitants des campagnes. « L’ambition de cet outil : transformer l’image de l’éolien terrestre auprès de ceux qui sont le plus concernés afin qu’ils fassent entendre à leur tour leur voix pour convaincre les pouvoirs publics de tout faire, enfin, pour rattraper le retard français », indique Marc Jedliczka en conclusion.