Menaces sur la filière photovoltaïque en France

Le 12 février 2025, le Gouvernement a annoncé un projet d’arrêté modifiant drastiquement le soutien à la filière photovoltaïque. Décryptage avec Emilien Lassara, représentant du réseau Cler au Conseil supérieur de l’énergie pour le collège des consommateurs d’énergie et des associations de protection de l’environnement, et expert photovoltaïque de l’association Hespul.

Sur quoi porte ce projet d’arrêté ?

Le projet d’arrêté porte sur le soutien public aux installations photovoltaïques de petites et moyennes tailles sur les toitures des bâtiments et les ombrières. Il prévoit des réductions fortes sur deux segments de puissance, 0-9 kWc et 100-500 kWc, qui correspondent pour le premier aux installations des particuliers et pour le second, aux projets portés par les collectivités, les agriculteurs, les TPE-PME, les collectifs citoyens… Ce projet arrive dans le contexte de la mise en consultation du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) dont les objectifs pour le photovoltaïque sont satisfaisants a minima : un rythme d’installation de 5 GW/an d’ici 2030, une multiplication entre 3,5 et 5 de la puissance installée à l’horizon 2035 (par rapport à 2023). Mais quand on regarde les types de projets auxquels on donne la priorité pour atteindre ces objectifs, on ne peut que déplorer un retour en arrière par rapport à la PPE en consultation. Le Gouvernement fait le choix de ne plus prioriser les projets de petite et moyenne taille, qui sont les plus plébiscités et portés par les collectivités et autres acteurs locaux. 

Quels en seraient les conséquences sur la filière photovoltaïque ?

Nous sommes inquiets. Ce projet d’arrêté tarifaire est une évolution brutale qui va réduire les petits et moyens projets photovoltaïques. Le Gouvernement pense éviter un coût pour la dépense publique en limitant ainsi le risque de dépasser les objectifs visés. Mais les objectifs de déploiement photovoltaïque, et plus largement des énergies renouvelables, ne devraient pas constituer un plafond à ne pas dépasser mais bien un seuil minimum à atteindre. Le segment 100-500 kWc qui est le segment le plus dynamique va être freiné. La mise en place sur ce segment d’un mécanisme d’appel d’offres simplifié à la place d’un guichet ouvert risque de pénaliser les acteurs territoriaux, et décourager l’appropriation locale du photovoltaïque.

Pour le segment 0-9 kWc, on assiste à renversement de paradigme. Jusqu’à présent les particuliers étaient rémunérés pour injecter leur surplus de production dans le réseau électrique. Désormais, faute de soutien, ils sont invités à se limiter à leur autoconsommation. On se prive ainsi d’un gisement massif de toitures et surtout d’un formidable outil de participation à la transition énergétique, d’autant plus qu’on désincite à la sobriété et l’efficacité énergétique vu que de fortes consommations augmente l’autoconsommation. En outre, la forte diminution du soutien public qui assurait la cohérence économique des installations expose les particuliers au risque d’installations non-rentables. Dans l’ensemble, les mesures proposées vont à l’encontre d’une logique de production photovoltaïque décentralisée.

«Ce projet d’arrêté tarifaire est une évolution brutale qui va réduire les petits et moyens projets photovoltaïques»

Emilien Lassaraexpert photovoltaïque de l’association Hespul

Que propose le réseau Cler ?

Il semble que le Gouvernement n’ait pas pris en considération la volonté des acteurs locaux d’être pleinement associés à la transition énergétique. Les territoires souhaitent s’emparer des énergies renouvelables ! C’est le message que nous portons haut et fort et que nous avons récemment rappelé dans une tribune publiée dans La gazette des communes. Pour le photovoltaïque, nos propositions sont les suivantes : prioriser les projets de petites et moyennes tailles dans le développement du photovoltaïque et redonner sa place au surplus dans la production résidentielle pour faire des particuliers des producteurs d’énergie et non de simples autoconsommateurs. À court terme, si l’arrêté n’était pas modifié, il faudra travailler à protéger les particuliers qui font le choix des panneaux solaires et faire en sorte que les appels d’offres simplifiés soient accessibles aux acteurs territoriaux. Enfin, il faut profiter de la consultation sur la PPE pour rehausser nos objectifs sur l’éolien terrestre, dont le développement doit accompagner celui du photovoltaïque.