Logements collectifs : gare aux effets pervers des compteurs individuels
L’individualisation des frais de chauffage dans les logements collectifs est prévue par la loi de transition énergétique afin de faire des économies d’énergie dans les logements collectifs. Sur le papier, cette mesure d’équité devrait permettre à chaque habitant de payer uniquement ce qu’il a consommé. Mais en pratique elle s’avère inefficace voire injuste.
L’article 26 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit la généralisation des dispositifs d’individualisation des frais de chauffage, qui étaient pour l’instant obligatoires uniquement pour les bâtiments d’habitation énergivores. Un projet de décret soumis à consultation propose ainsi d’élargir cette « obligation » à tous les bâtiments d’habitation, ainsi qu’au secteur tertiaire, sauf en cas d’impossibilité technique ou de nécessité de modifier l’ensemble de l’installation de chauffage.
Les habitants les plus pénalisées seront les plus précaires : parents au foyer, sans-emplois ou retraités passant beaucoup de temps chez eux.
En permettant à chacun de payer uniquement ce qu’il a consommé, ce dispositif devrait en théorie encourager les habitants à être plus responsables face à leurs dépenses énergétiques et ainsi faire payer les plus gros consommateurs. Mais sur le papier seulement… Un certain nombre d’acteurs associatifs et institutionnels, dont le CLER, mettent en garde contre les risques importants de cette prochaine mesure, pouvant la rendre contre-productive.
Des travaux de rénovation avant tout
Les habitants qui seront les plus pénalisées par ce changement seront en effet les plus précaires : les parents au foyer, les sans-emplois ou les retraités qui passent beaucoup de temps chez eux durant la journée et qui sont ainsi susceptibles de « sur-consommer » de l’énergie dans leur logement pour maintenir une température convenable, tout en chauffant en partie les appartements voisins.
Dans les « passoires énergétiques », les consommations varient considérablement en fonction de l’emplacement, ce qui exacerbe les tensions entre ménages : sur l’arrête d’un immeuble, elle peut être beaucoup plus élevée qu’au cœur du bâtiment. A l’exclusion des immeubles aux performances énergétiques vraiment mauvaises, la mesure peut même devenir inutile car le coût pour l’installation et le fonctionnement des dispositifs à mettre en œuvre demeurera trop longtemps supérieur aux économies engendrées et rendra quasi impossible tout retour sur investissement.
Pour le CLER, il faut donc soumettre l’obligation de ces « répartiteurs des frais de chauffage » à la réalisation préalable de travaux d’efficacité énergétique, et ainsi avant toute chose, accompagner la filière du bâtiment à monter en compétence dans le domaine de la rénovation thermique. Début 2016, ses adhérents ont ainsi proposé au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique de la décaler de 2017 à 2018 et de lancer le plus rapidement possible une étude indépendante pour tirer le bilan de l’obligation préexistante portant sur les bâtiments classés F et G.