L’hydrogène : une filière d’avenir ?

Installé par le gouvernement en janvier 2021, un conseil national de l'hydrogène doit veiller à la mise en œuvre de la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné, dotée de 7 milliards d'euros. Le Réseau Action Climat , dont fait partie le CLER-Réseau pour la transition énergétique, publie une note de position sur l'hydrogène décryptée par Anne Bringault, coordinatrice des opérations.

Quel est le contexte de cette note ?

Le Réseau Action Climat rassemble 25 ONG qui travaillent sur l’enjeu du dérèglement climatique, qu’il s’agisse d’associations de protection de l’environnement généraliste comme Greenpeace, d’associations plus spécialisées sur la transition énergétique comme le CLER-Réseau pour la transition énergétique ou encore d’associations de solidarité internationale telles OXFAM. Pour élaborer cette note de position nous avons travaillé avec différents experts comme Marc Jedliczka, vice-président du CLER-Réseau pour la transition énergétique, mais aussi échangé avec notre réseau européen. Le sujet hydrogène monte en puissance, en Europe comme en France, à la faveur des plans de relance ainsi qu’avec les objectifs de neutralité carbone.

L’hydrogène est-il une énergie renouvelable ?

Il faut préciser de quoi on parle. 95% de l’hydrogène actuellement produit en France l’est à partir de ressources fossiles, soit par vaporeformage de gaz et oxydation d’hydrocarbures, soit par gazéification du charbon. À ce jour, cette production est loin d’être propre puisqu’elle représente  3% de nos émissions de CO2. Tout l’enjeu est précisément de passer à une production par électrolyse de l’eau grâce à une électricité d’origine renouvelable. Enfin, plus qu’une énergie, l’hydrogène est davantage un vecteur, un moyen de transporter de l’énergie, une passerelle entre une source primaire d’énergie et des usages finaux.

Quels peuvent-être ces usages ?

L’hydrogène peut servir à des process industriels nécessitant des températures élevées comme la métallurgie, la sidérurgie, la céramique, le verre et certaines chimies, mais également aux transports lourds tels les poids lourds, le secteur maritime, le transport ferroviaire sur les lignes pour lesquelles l’électrification présente des difficultés techniques ou ne serait pas rentable. L’usage pour les véhicules légers sera difficilement généralisable, avec un coût prohibitif de l’ordre de 60 000 euros pour un véhicule individuel. L’aviation envisage aussi de recourir aux piles à hydrogène pour la décarbonation du secteur aérien. Mais cela ne pourrait s’appliquer qu’aux courts et moyens courriers et ne pourrait être déployé avant 2035… Enfin, un autre usage  intéressant est l’utilisation de l’hydrogène pour stocker le surplus de la production électrique renouvelable. Les usages actuels pour la production d’engrais de synthèse ou le raffinage pétrolier devront diminuer car ils ne nous semble à l’inverse pas compatibles avec les objectifs de transition écologique.

Quel est la place de l’hydrogène dans le futur mix énergétique ?

Les scénarios 100% énergies renouvelables de l’ADEME ou ceux en cours de réalisation par RTE s’appuient sur l’hydrogène pour absorber les pics de production et stocker une électricité en surplus qui, autrement, serait perdue en raison de la congestion du réseau ou d’un déséquilibre des productions renouvelables dans le temps. En jouant ce rôle de tampon, l’hydrogène s’inscrit dans la trajectoire du passage à un mix électrique constitué en totalité d’énergies renouvelables.

Quels sont les points de vigilance ?

L’hydrogène est indispensable pour la mobilité lourde, l’industrie lourde, le stockage d’énergie et constitue un véritable maillon de la transition énergétique. Il faut toutefois veiller à ce qu’il soit bien produit à partir d’électricité renouvelable. Enfin, il y a des enjeux importants d’infrastructure, de production, de stockage, de transport et de distribution qui vont impacter de nombreux secteurs. C’est un véritable écosystème qui est en train de se mettre en place autour de l’hydrogène et que nous voyons d’un très bon œil. Pour autant, il peut être utilisé comme un mirage laissant entendre qu’il n’est pas nécessaire de réduire le trafic aérien. Le risque est également que la la production d’hydrogène soit utilisée comme prétexte pour construire de nouvelles centrales nucléaires afin de produire davantage d’électricité. C’est pourquoi il est essentiel pour nous de réserver l’usage de l’hydrogène à des domaines pour lesquels d’autres vecteurs ne sont pas adaptés comme les transports lourds et la production de chaleur forte dans l’industrie. L’hydrogène est une solution s’il est produit à partir de renouvelables et utilisé de manière adéquate, avec modération !

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« L’hydrogène est une solution s’il est produit à partir de renouvelables et utilisé de manière adéquate, avec modération ! »

Chiffre clé

En 2050, l’hydrogène décarboné pourrait répondre à 20% de la demande d’énergie finale et réduire les émissions annuelles de CO2 de 55 millions de tonnes.

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